Maridan-Gyres

L’enfant a grandi, elle est devenue femme. Nue devant son miroir, elle cherche sur son corps les traces des chemins parcourus. Sur sa hanche rebondie à la peau satinée, elle retrouve l’arrondi de la barque de pêche de son premier amant. Cet homme fou de sport qui prenait son corps comme on prend la mer avec force et passion, fermenté et courage. Tout en elle, devenait pour lui, terre à découvrir.

Elle se souvient de sa bouche partant à l’exploration de ses monts et merveilles. Il commençait toujours son voyage extasié par ses chevilles. Porte d’entrée du paradis, lui susurrait-il à l’oreille. Qu’elle a pu l’aimer le petit matelot de ses jeunes années !

Un jour, elle était devenue femme et ses serments lui avaient semblé creux, dénués d’intérêt. Oh bien sûr, elle avait encore quelques sentiments pour lui, mais plus basés sur l’habitude que l’amour.

Ce soir-là, elle avait été conviée par son patron à la remise du prix Renaudot à l’hôtel Georges cinq à Paris. Pour l’occasion, elle avait revêtu un incroyable fourreau noir, qui avait fait de son corps une œuvre d’art. Sa peau d’albâtre n’avait cure de maquillage ou autres billevesées qui ont cours chez les femmes. Elle ne jouait pas de ruse pour se dissimuler ou captiver l'attention. Elle était fière de ce qu’elle était et entendait bien qu’on le sache. Pour elle, nul besoin de tricher pour séduire. Cette nuit était magnifique, comme une ouverture sur le Paradis. C’est ainsi qu’il lui était apparu.

Par une alchimie mystérieuse, cet homme qu’en d’autres lieux elle eut ignoré se trouva flotter dans ses pensées à la manière d’un vin trop fort.

Était-il beau ? Non !

Était-il intelligent ? Pour le peu qu’elle en avait entendu non !

Il ne parlait pas, il aboyait. Et pourtant à son entrée dans la grande salle de réception, le temps avait suspendu sa course. Elle abandonna sans vergogne le jeune marin et ses chimères et couru se vautrer dans les bras de ce don Juan de pacotille qui se révéla un amant abominable. 

Maridan 13/11/2013