Maridan-Gyres

J’ouvre la porte et demeure bouche bée, la neige a recouvert le village de son tapis blanc, je suis très matinale et chargée de la corvée de boulangerie tous les dimanches matin. Je suis donc la première à y laisser mes empreintes et je suis aux anges.

Comment décrire mon impression : je ne reconnais pas mon quartier, tout est différent. C’est étonnant de ne pas identifier ce lieu où je vis depuis ma plus tendre enfance, et bien qu’habituée, je ressens toujours le même émerveillement.

J’entends crisser la neige sous mes pieds, les sapins courbent leurs branches jusqu’au sol. C’est magnifique, je pousse la porte de la boulangerie et aperçois papi Lenglet, qui m’accueille avec un bonjour tonitruant et une étincelle au fond des yeux, son visage jovial me met toujours de bonne humeur ;

« Ça va ma jolie Lili ? Cette belle neige pour les vacances de Noël, c’est idéal ! Et avec les températures annoncées, je mets ma main au feu que le lac sera gelé demain ! Il va y avoir du patinage dans l’air, je me trompe ? Jérémy t’accompagnera ». Jérémy est son petit-fils et accessoirement mon meilleur ami.

« À huit heures pétantes, avant la grosse affluence, vous pourrez en profiter. Montre-moi ton portable, je te règle une alerte et j’en fais de même pour ton camarade. Vous êtes grands maintenant, vous pourrez y aller seuls. Je vérifierai juste en embauchant que c’est suffisamment gelé. Je n’ai pas d’inquiétude, mais parles-en à tes parents tout de même ».

Je rentre à la maison les bras chargés de pain et de viennoiseries pour tous. Ils dorment encore, les flemmards ! Je ressors et confectionne deux belles boules de neige avant de monter l’escalier sur la pointe des pieds, les jumeaux ronflent, je m’approche de leur lit et leur mets dans le cou les boules glaciales, leurs hurlements réveillent les parents et je n’ai que le temps de dévaler l’escalier quatre à quatre avant que mon père ne se lance à ma poursuite. Je subtilise un croissant frais et pars profiter de cette belle matinée.

Lorsque je rentre vers midi, les événements matinaux sont oubliés comme je m’y attendais.

« Qu’as-tu trafiqué toute cette matinée dehors?» Me demande maman qui est en train de nous mitonner un délicieux petit plat pour le déjeuner.

Les jumeaux en revanche, grimpés sur le grand tabouret qui surveillaient mon retour depuis leur chambre se lancent à ma poursuite, ça se termine par une mémorable bataille de boules de neige. Maman y met fin en nous appelant pour le repas ;

« Eh bien ça, c’est ce qui s’appelle prendre l’air ! »

J’en profite pour leur raconter ce que m’a proposé papi Lenglet et ils sont d’accord avec lui. Une autre belle journée s’annonce…

Mais pour le moment, un temps de repos est imposé par les parents.

Je fais un clin d’œil à Jules et Théo qui voient eux aussi les parents se diriger vers le canapé, chacun avec un roman sous le bras et leurs charentaises aux pieds, une sieste se profile.

Juste un peu de patience… Ce ne sera pas très long !

Adelinade