Maridan-Gyres

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Atelier 13 - 2020 - sujet 2

 

LES MOTS

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Elle aimait tous les mots, les grands, les petits, les jeunes, les vieux, les maigres les gros, sauf un…

 

Depuis sa naissance ils habitaient sa tête, nageaient dans son cœur, ils gambadaient  et sortaient de sa bouche, joyeux, gais, sournois, tristes, affectueux,  prétentieux, merveilleux , …entraient dans ses oreilles en faisant son bonheur, dans sa maison bordée d’ hortensias en fleurs.

 

Elle aimait tous les mots, sauf un, qu’ils soient verbes, noms ou compléments, elle les conjuguait, les accordait, ou les attribuait selon un rythme qui lui était propre, avec une touche très personnelle.

Elle aimait tous les mots, sauf un,  et jonglait avec,  tel un clown au bord de la piste Vie.

Elle aimait tous  les mots, sauf un, les tricotait, les crochetait, les brodait aussi, ou bien les détricotait pour en faire de belles pelotes sans jamais perdre le bout du fil, de sa vie.

Elle les articulait, les triturait, les berçait, les faisait danser, sauter, jouer, les cachait dans sa poche

Elle aimait tous les mots, sauf un, les prenant pour argent comptant, car ce sont eux qui donnaient la couleur à sa vie, la conjugaison les animait, les accords les embellissaient, l’analyse les dominait.

Elle aimait tous les mots, sauf un, et pensait que le futur d’hier était le présent du jour dit et que demain ce même présent serait le passé… Elle pensait aussi à cette curiosité des mots qui ne sont que des instruments pour animer la vie et canaliser le temps, qu’une phrase sans verbe n’a ni queue ni tête, qu’un verbe sans complément n’a pas d’avenir assuré  

Elle aimait tous les mots, sauf un, qu’ils soient  nom masculin ou féminin, neutre, qu’ils soient pronoms, adjectifs,  verbes ou adverbes, elle les aimait pour leur couleur, leur saveur, leur chaleur dans les nuits froides, leur musique, leur bonheur et leur attribuait la vertu d’être le sang de la vie.
Elle aimait tous les mots, sauf un, les alignait sur son cahier d’écolier, en faisait des phrases, des nouvelles,  des histoires qui ne finissaient jamais, car elle aimait les mots dans tous leurs états, en faisait des bouquets de mots invariables qui ne fanent jamais, passait en revue les mots de la même famille, recherchant leurs racines comme pour se rassurer et asseoir les siennes.

 

Elle ferma  alors les yeux pour prendre un  peu de repos, en ces temps de canicule, le soir venu, mais ils étaient toujours là les mots ! à l’assaut de ses rêves, ils envahissaient son esprit, vivants et prolifiques, ajoutant à la collection toute la gamme  des articles définis, indéfinis, des conjonctions de coordination, toute la série des amis de la grammaire française, du déterminant au groupe nominal…tous. Ils  glissaient entre ses paupières ridées et usées par les années, trébuchaient au pavillon de ses oreilles et berçaient enfin son sommeil qui ce soir, tardait à venir…

Alors s’installa dans sa tête une course folle qui ne voyait d’imparfait que le passé composé, de plus-que-parfait le futur simple, et le présent si conditionnel… Là il restait impératif que le passé simple devienne subjonctif, pour que le passé antérieur garde un semblant de participe, présent ou passé ?

 

La ronde des mots, fût soudain entraînée dans l’abîme de la nuit profonde, et sans un mot, un lourd sommeil tel celui de Morphée resserrant ses bras autour de son corps abandonné plongea la malheureuse vers le seul mot, celui qu’elle détestait : le mot FIN.

 

Shunt



25/10/2020
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