Maridan-Gyres

Atelier N° 10 — Sujet n° 3 — Écrire avec des phrases imposées

Sortie de route

« La jeune femme écrasa la pédale de frein et les pneus crissèrent dans le virage. » Elle se relança ensuite pour aborder la dernière ligne droite en conditions optimum. Passer devant la tribune en tête dès le premier tour de piste ne pouvait qu’inspirer mécènes et équipementiers automobiles pour l’aider à développer son écurie naissante.

Érika faisait des débuts prometteurs dans une compétition jusque-là exclusivement réservée aux hommes : la Formule 1. La course automobile de haut niveau, apanage masculin par excellence, acceptait mal la diversité, encore moins la mixité. Pourtant, la jeune prodige était tolérée comme pilote d’essai dans l’écurie WorldNet en même temps qu’elle débutait sa quatrième saison pilote en GP3, l’antichambre de la F1.

Faire ses preuves, braver les préjugés et s’imposer dans un monde 100 % testostérone la faisait se lever chaque matin au chant du coq. Ce sport mécanique était éprouvant physiquement et faisait perdre jusqu’à 4 kg par course ? Qu’à cela ne tienne : elle privilégiait renforcement musculaire en salle de gym et longues sessions d’endurance grâce au cyclisme sur route et à la natation. Trois sports complémentaires pour un entrainement efficace.

En outre, Érika ne négligeait pas sa préparation mentale, notamment sa concentration et la rapidité de ses réflexes. Aussi s’astreignait-elle à des exercices de sophrologie qui lui offraient la possibilité d’acquérir une harmonie complète entre les perceptions sensitives ressenties par le cerveau et les ordres transmis au corps. Érika plus que quiconque savait qu’une préparation physique et mentale spécifique démontrait le niveau d’exigence d’une profession d’élite.

Au troisième tour de piste sur les cinq prévus dans cette session d’essai, la pilote menait toujours la danse, franchissant en leader incontestée la ligne d’arrivée provisoire. Le cinquième tour la consacra et elle reçut les honneurs des patrons d’écuries et des mécènes présents ce jour-là dans les tribunes. Érika avait demandé à conserver ce premier drapeau à damier abaissé devant elle et son bolide en Formule 1. Je le sais… Elle me l’avait dit et par la suite me l’avait montré lorsque j’étais venue l’interviewer.

Quand je lui avais rendu visite, elle semblait calme, détendue. Un sourire heureux s’affichait même sur ses lèvres. Elle avait pourtant prononcé les paroles suivantes :

« À mon réveil, l’hôpital était méconnaissable. »

Un long processus de sortie de coma avait été enclenché, six mois après avoir été percutée par un fou du volant alors qu’elle égrenait les kilomètres à vélo sur une route de campagne. Elle devait s’armer de patience pour retrouver sa place parmi les grands.

Et moi, journaliste à AUTO PLUS, j’en profitais pour l’accompagner dans sa période de convalescence.

© Ouvrez les Guillemets 63 – 24.04.19

Atelier N° 10 — Sujet n° 4 — Tautogramme en V

La Voix, le Verbe, La Vie

Vibrations Vertigineuses : Votre Voix Varidule(1) et Voltige en des Volutes Vagabondes. Elle Ventile le Verbe, le Valse, le Vanille.

Vouvoiement Voulu, une Venise Véhiculant des Vers d’une Vérité Vibrante. Ce « Vous » Vendange de Vraies Variations, Vides de toute Vanité.

Un Vermillon Vermicelliant(2) Volette sur mon Visage. Vite ! Un Ventilateur !

Ce Voyage Volontaire dans les Venelles de nos Vies Venge les Viles Vacuités Vécues Vestimentalement.

Vamour ! Vous : mon Volcan, Vésuve. Vous : ma Ville, Vérone. Vous : mon Verre de Vie : Vanuatu. Ma Verticalité.

En Vrac…
Voguons sur un Voilier où la Vigie Vérifie le Vent de Vénus
Virons de Volte quand le Vent Vibre Violemment
Valsons sous la Voûte Voluptueuse de nos Voix Voyageuses.

À vie, à Vous.

© Ouvrez les Guillemets 63 – 24.04.19

[1] Variduler : Verbe du 1^er groupe – Murmurer de douces mélopées à l’être aimé

[2] Vermicelliant : Adverbe – Saupoudré d’une émotion infime. Faire rosir de bonheur