Atelier 8 - 2020 - sujets 1 et 4
« La Sculptrice des champs »
Jessie entre dans son « Atelier » de fortune, elle revient de la forêt où elle a été prendre de la terre glaise pour modeler ses figurines.
Eprouver un tel bonheur à remuer, malaxer, travailler la matière jusqu’à ce que ces personnages semblent prendre vie est totalement incongru pour sa famille, son père et sa mère acharnés au travail de la ferme lui reprochent de perdre son temps et de les priver de son aide.
Il a même été question de la mettre à la porte, seul Joan, son frère jumeau, la défend et la soutient. Grâce à lui elle a obtenu un répit.
Il a menacé, si une chance n’était pas laissée à sa sœur, de quitter la ferme avec elle et de se louer au village voisin. Il est fort convoité par de grands fermiers. Les parents ont capitulé ne voulant pas se séparer d’un tel appui pour les travaux agricoles mais jusqu’à la prochaine moisson seulement.
Jessie a quelques mois pour se faire remarquer par un sculpteur et devenir une de ses praticiennes… cesser d’être une bouche à nourrir sinon elle devra renoncer à ses « fantaisies » et reprendre ses bottes de fermière.
L’horizon s’est éclairci pour quelques temps.
« Je vais renvoyer plusieurs de mes sculptures au potier qui vient sur le marché les samedis, qu’il a de jolis vases et de jolis plats !
La dernière fois quand Joan est parti pour vendre les poules et les œufs, il a emporté quelques statues miniatures. Il m’a dit au retour que le potier avait aimé leur pureté, leur sensualité, leur douceur, mais cela ne suffira pas pour me sortir d’affaire, Il faut que je montre une œuvre originale et beaucoup plus aboutie.
Jessie assise dans un coin de grange aménagé avec une grande ouverture qui laisse passer le soleil, mais aussi le froid et qui lui sert d’endroit pour exercer son art, soupire. Son souffle met de la buée sur un vieux miroir très abimé où elle aperçoit parfois la tristesse de son regard bleu quand son cœur est lourd.
« Assez ma fille » se dit-elle, « ce n’est pas le moment de perdre espoir, tu sais bien que sculpter est l’appel de ton âme, de tout ton être, alors oublie la maison, les parents, les champs, les bêtes, et laisse-toi emporter par tes rêves. Camille t’a dit qu’elle te présenterait à Rodin quand tu serais prête, et aussi de garder confiance et de te mettre travail inlassablement…ce serait extraordinaire de rencontrer le Maître… »
Alors Jessie se lève, enfile sa blouse, regarde ses mains, s’assied à la petite table et commence à dessiner avec rigueur et patience ce qu’elle appellera « L’ingénue en sommeil » et qui lui vaudra un prix et une entrée très remarquée dans le monde très peu féminin de la sculpture.
Poésie : Ma poupée de vie
Années lointaines embuées où ma poupée chérie
Princesse ou esclave, peuplait ma rêverie,
Je touchais son visage, porcelaine et douceur
Je la berçais comme une petite sœur,
Héroïne d’histoires en contrées inconnues,
Laissant se dévoiler mes secrets contenus,
J’essayais d’oublier combien j’avais souffert,
Je côtoyais l’enfer, comme prise dans des fers
Mon père disparu avec tant de souffrances
Sa mort ayant brisé toutes mes espérances
J’étais vide et sans cesse je le voyais mourir
Si impuissant, si triste à me laisser souffrir
Que de colères versées dans mes torrents de larmes
Que de peurs de garder un cœur meurtri sans armes
Fuite salubre vers d’autres cieux ouverts
J’inventais mille vies en prose ou libres vers
A ma poupée yeux fixes et privée de paroles
Mais l’absence mortifère ne me rendait plus folle
Je jouais des piécettes, murmurais des chansons
Qui donnaient à mon âme, de vivre, une raison.
Clohe
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