Atelier 16 - 2019 - Sujet 6
« Nina, un pas vers la femme libre »
Il faut pour s’émanciper une immense volonté et une chance inespérée, comment s’enfuir ? Nina ne sait plus que faire et rêve de changer plus que d’identité, de changer d’espèce, devenir un animal…une fleur, une racine, une extraterrestre pour échapper aux violences des inféodés à la religion déshumanisée qui sévit comme un fouet permanent et lacère tout ce qu’il touche.
Petite fille, elle avait fait partie des « magdelonettes » aux petits maillots colorés, celles de la plage qui jouaient des heures à construire des palais de sable pour les princes et les princesses des contes de fées… jusqu’à ce que ses seins pointent et la rendent comme pestiférée. Elle les avait détestés. Elle avait dû dissimuler son corps, ses cheveux, son visage, les yeux mouillés de grande tristesse.
Désormais quand elle arrive 2’ en retard à l’école religieuse où elle travaille en cuisine, elle doit « réparation » c’est-à-dire s’agenouiller sur la barre en fer qui mord les genoux et psalmodier.
Elle pleure en regardant les enfants prier : Il n’y a plus de mômes que de futurs martyrs ou meurtriers.
Comment se débarrasser des furies. Attendre ? Quoi ? Que la bienveillance touche ces bourreaux, comme si on pouvait acquérir l’habitude d’aimer, se laisser toucher par les sentiments quand la vengeance haineuse est le seul moteur de vie depuis si longtemps.
Nina connait son impuissance et en même temps un violent souffle de révolte l’anime. A la moindre occasion, elle tentera de s’évader. Ce matin les chefs vocifèrent et les ordres sont contradictoires.
Règne une grande confusion de mouvements et d’esprit.
Comme un coup de folie, Nina décide de s’échapper de l’école par le soupirail du local des stocks :
Elle s écorche les mains sur le mur de pierres, se casse les ongles sur les ferrailles, se meurtrit les épaules, les genoux, et une fois à l’air libre, jette sa robe, sa coiffe, tout ce qui pèse. Elle traverse les champs derrière les bâtiments et courre des heures dans les bois en boitillant…sans savoir ce que c’est, elle suit les abattures de cerf comme un chemin de petit Poucet, et arrive dans une ferme. Elle s’abat contre la porte, la fermière ouvre sans rien demander et la laisse entrer. Elle préparait une dariole et lui en donne avec un pichet d’eau fraîche, lui fournit des vêtements de rechange et lui propose le repos.
Nina sommeille tout le jour sur un vieux canapé à l’odeur de lavande et effleure un moment de bonheur. Quand le soleil bascule vers l’ouest, la fermière traite son fils de sacripant parce qu’il a oublié de rentrer les poules… ça fait rire Nina. Juste rire un peu, elle avait oublié comme ça fait du bien. La fermière parle peu. Ils la chercheront les terroristes du corps et de l’âme. Nina n’est pas en sécurité, mais pour l’heure, elle sait qu’elle peut rester cette nuit et la fermière assure que personne ne la trouvera, mais qu’il faudra très vite partir loin… que demain on verra…
Et voilà Nina à nouveau apeurée. Le fermier est rentré. Les hommes la terrorisent. Certaines femmes aussi, celles qui hurlent…la fermière a une voix douce – l’homme un bon regard. Le fils aussi.
Nina rejoint un petit lit dans la chambre du grenier. Les toiles d’araignées pullulent, mais elle s’en fout. Le sommeil ne vient pas. Le calme est angoissant.
Une cloche sonne, Nina sursaute. C’est celle de l’église du village. Elle n’aime aucune église.
Les lieux pieux ne sauvent pas, ils emprisonnent. Demain, il faudra chercher un nouveau refuge et commencer un long périple. Les larmes coulent sur ses joues pales, il lui manque tant de forces.
Nina ne veut plus de chemin de croix à genoux, elle veut se redresser, porter son regard loin devant, dire non, combattre pour vivre libre. Pourvu que les bonnes étoiles du cœur s’assemblent pour l’aider… A travers la petite fenêtre, la lune sourit. Sur le rebord veille une chouette aux grands yeux brillants. Demain on verra.
Claudine.
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