Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Sans souci et sans parapluie. 19-10-13

Il était une fois un trouble fête, une trouble tête, une tête dure et sans casquette. Où rien ne rentrait, d'où rien ne sortait. L'esprit aventurier, amoureux de la forêt, Gravillon (c'était son prénom) était né de sa mère la terre et du goudron. Il avait la peau noire et granuleuse, les yeux rouges et le cœur gros. Pas plus gros que la coquille de son ami l'escargot, qui, lui, d'humeur toujours ravie faisait les cent pas au bord de l'eau.

 

Ce jour serait le plus grand de leur vie. Ils s'étaient décidés à quitter l'endroit où ils étaient nés pour vivre la grande aventure mais aussi tourner le dos et les talons à une sombre histoire de cerf qui brame. Que personne ne comprît.

Même pas eux.

 

Prévoyants, ils chaussèrent leurs bottes de pluie et prirent ensemble le chemin le plus simple. Aux couleurs d'automne. Celui qui serpentait entre la vigne et les framboisiers. Ils allèrent bon train (du moins aussi vite que peuvent aller un escargot et un cœur gros). Ils ne rencontrèrent aucun camion, aucun marcheur, aucun clochard. Le voyage fut sans obstacle jusqu'à ce que le ciel ne se couvre et qu'un orage, très sérieux (portant sur son dos trop de nuages et de responsabilités), ne vienne à leur rencontre.

 

Lorsqu'il les vit, il s'étonna. Comment ces deux-là pouvaient-ils faire la route sans parapluie et sans souci? Comment ce trouble fête à l'esprit agité pouvait-il supporter le rythme lent de l'escargot sans baskets?

 

Toutes ses questions en tête, il gronda pour mieux se faire entendre, et demanda :

« Où allez-vous ainsi? Et que faites vous ensemble? »

 

Les deux promeneurs, un peu surpris, se regardèrent et ne trouvèrent, sur le moment, rien à répondre. On les vit s'arrêter, chacun de leur côté. Réfléchir et Sentir.

 

C'est finalement Gravillon qui, le premier, prit la parole et dit à l'orage (toujours plus gris, toujours plus vieux) :

« Je ne sais pas où je vais. J'ai quitté le goudron pour la forêt.

L'escargot me guide avec ses antennes sur la tête. »

 

L'escargot enchaîna :

« Je voulais briser ma coquille et me faire un ami. C'est maintenant chose faite. Ce n'est pas son désordre qui m'a plu, c'est son gros cœur caché sous sa tête nue, son air têtu. Quant à savoir où nous allons, nous cheminons. Mais pas n'importe comment, pas n'importe où. Tu devrais prendre exemple sur nous.

Ne te presse pas et surtout laisse-toi porter. Abandonne ta volonté.»

L'orage, vexé, prit note.

Et gronda encore, histoire de se prouver qu'il était le plus fort. (Lui au moins savait où il allait, se disait-il).

L'horloge et ses aiguilles indiquèrent six heures.

Déjà.

Il avait fort à faire et fila donc le long des troncs glissants et des murs de ciment. A la vitesse de l'éclair (il avait toujours eu une dent contre le temps) et jusqu'en haut de la colline. De là, il parla aux villageois. Ou plutôt vociféra qu'il avait rencontré, entre la vigne et le framboisier, deux pèlerins si étranges qu'il n'avait pu faire autrement que s'arrêter. Deux êtres sans parapluie et sans soucis. Et ces deux là avaient osé lui faire la leçon, lui conseiller de ralentir sa course. Lui qui était si occupé... C'était vraiment trop d'aplomb!

 

Sa colère grossit et fit craquer les coutures de son pantalon, sauter ses boutons de manchettes. De rage, il alla pleurer contre le bras de son amie la mer.

Qui compatit mais ne put rien faire. Ne ramena pas l'orage à la raison.

Depuis il court encore plus vite vers l'horizon et gronde toujours plus fort.

Sourd à son propre vacarme intérieur, il n'a rien appris.

 

Frédérique



22/10/2013
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