Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

L'enfant du miracle

L’enfant  miracle

Satia est assise, adossée à ce palmier, depuis l’aube. Les yeux rougis par ses pleurs. Elle tire ses cheveux d’avant en arrière traduisant ainsi sa douleur. La honte est sur elle. Elle est désespérée de ne pouvoir qu’espérer. Rien ne sera possible, si la volonté de Dieu ne lui est pas favorable. Elle gémit de peur de ne pas faire honneur à son mari. C’est la seconde fois qu’elle a accouché d’une fille. Et l’héritier alors ? Des mots qu’on lui lance perpétuellement avec hargne. Ils sont aussi douloureux que des pierres jetées sur sa peau.

Il est l’heure de rejoindre le village. Il est situé dans les montagnes d’Armarguan au pays d’Urbane. Ce village est très conservateur des us et coutumes ancestraux. Les femmes sont bafouées et sont sévèrement punies à cause de leurs actes contraires au code de la famille. Les hommes ont écrit ce livre qui leur permet de battre leurs femmes et surtout de les répudier si elles ne mettent pas au monde un garçon. Cet héritier salvateur qui perpétuera la lignée. Satia est épuisée ce jour-là. Elle est à la rivière. Elle essore le linge à la main, mais il est bien lourd. Les femmes attentionnées lui proposent d’aller se reposer, mais à leurs côtés. Elles aussi sont dans le complot, malgré elles, celui de la répudiation. On leur a martelé le cerveau. Elles ne sont plus dans la compassion, mais dans la soumission. Elles ne savent plus penser par elles même.

Satia ressent de vives douleurs dans son bas ventre. De retour vers le village, les femmes remettent leur carpa recouvrant ainsi leur chevelure. Louba est la femme, la plus âgée du village. Elle est la mère de toutes ces femmes. Elle touche le bas ventre de Satia. Elle est trempée. Elle a perdu les eaux. Les femmes appellent les enfants. « Allez voir les pères et les frères et les oncles. Dites-leur que c’est le moment tant attendu pour le mari de Satia. Elle est menée chez la guérisseuse qui la prend en charge. L’encens embaume la pièce pour conjurer le mauvais sort. La vapeur de l’eau annonce le début des préparatifs pour l’accouchement. La guérisseuse se met au travail.

Satia souffre le martyre pourtant, ses pensées  vont vers cet enfant expulsé qui sera rejeté ou pas. Elle hurle dans sa chair, mais aussi dans son cœur. " lani sou Kano zanaco « crient, de joie, les femmes. C’est un garçon. Les tambourins s’animent. La femme âgée lui retire son enfant. Il est porté comme un trophée. Le père prend son enfant et le soulève pour son honneur.

Satia lasse est libérée. Pourtant elle pleure. Ses larmes salées ont un goût sucré.
Le sexe de son bébé lui sera salvateur. Sa destinée est enfin tracée. 
La femme âgée lui met à présent un sucre dans la bouche. Dans leurs us et coutumes, cela rendra la mère douce envers son mari et cet enfant béni. Les larmes de Satia ont retrouvé leur goût amer.

 

Tithem 5/2/2014



05/02/2014
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