l'atelier du 23/10 par Orane
Les conflits internes (émotionnels face à un handicap, une maladie - mentaux, moraux, spirituels…)
Les conflits externes (relationnels, sociaux, face à une force cosmique…)
Conflit émotionnel
La vieillesse en face…
- Mais si, maman, je viens te chercher et on ira se balader. Sois prête d’ici quinze minutes.
Quinze minutes, elle est bien gentille, mais je ne serai jamais prête à l’heure, je n’ai plus vingt ans moi. Ma fille a décidé de prendre la direction de mes loisirs, du moins quand elle en a le temps, car elle a toujours peur que je m’ennuie, que je déprime, quand je suis seule.
Ainsi, aujourd’hui, comme il fait une journée de printemps magnifique, eh bien nous irons nous promener le long de la plage, marcher dans l’air iodé me fera le plus grand bien.
Cela part d’une bonne intention, elle sait que j’aime la mer et le soleil alors elle pense me faire plaisir. J’adore ma fille, mais cette manie qu’elle a de vouloir à tout prix que « j’occupe mon temps » comme elle dit, commence à me peser. Aujourd’hui, moi, j’aurais préféré me prélasser sur ma terrasse, rêver, lire ou bien papoter avec une copine. Du coup, ce sera partie remise ! Je n’ose pas dire non à ma fille, elle est si gentille et si douce, et je sais qu’elle s’occupe de moi par amour, pour que je ne me sente pas seule. On dirait moi à son âge. Sauf que moi, à son âge, je n’avais pas ma mère près de moi, nous vivions à des centaines de kilomètres l’une de l’autre. Et je regrettais de ne pas pouvoir partager plein de moments avec elle. Je l’appelais tous les jours, mais ce n’est pas pareil. Alors quand j’y pense, je me dis que ma fille veut profiter au maximum de ma présence, je sais qu’elle ne souhaite que mon bien-être, ma bichette. Je vieillis, oui, et pour elle, toutes ces années qui passent si vite sont effrayantes.
Comment lui faire comprendre que vieillir n’est pas une maladie, que je n’ai pas besoin de soins et de surveillance constants. Comment lui expliquer sans la vexer que parfois, un peu de solitude, de farniente, cela fait du bien. Je n’ai pas besoin d’être active en permanence. Ne rien faire ne signifie pas s’ennuyer et risquer la dépression ! C’est un luxe que la retraite nous accorde, alors autant en jouir le plus possible, n’est-ce pas ? Elle ne se rend pas compte que c’est une contrainte quelquefois pour moi de la suivre. Mais, comment lui dire que j’aime aussi décider, moi, de ce qui me convient ou pas, sans la vexer. Elle est susceptible et je l’aime plus que tout au monde. Je dois trouver les mots justes, j’y mettrai toute ma tendresse et elle comprendra, j’en suis sûre.
Je lui parlerai tout à l’heure, je lui dirai que j’aimerais bien que, dorénavant, elle attende que ce soit moi qui propose une sortie ou une activité. Je lui dirai… mais bon, je la connais, tout de suite elle va s’imaginer le pire : que je lui cache quelque chose, que je suis fatiguée, que je ne vais pas très bien, que sais-je… Comment pourrai-je lui dire que je suis une senior encore en pleine forme et en pleine possession de ses facultés, qui n’a pas encore besoin d’assistance. Elle doit arrêter de s’inquiéter ainsi pour moi. Vieillir n’est pas une pathologie, c’est le propre-même de la vie, une évolution.
Comme c’est difficile de ménager ceux qu’on aime en se ménageant soi-même !
ORANE
Conflit spirituel par rapport à l’érotisme
Un péché capital
« Pardonnez-moi mon père parce que j’ai péché ». Elle se souvient de cette phrase apprise et maintes fois récitée dans son enfance, du temps où elle fréquentait l’église et son curé, du temps où on cherchait à la culpabiliser en la faisant confesser toutes sortes de péchés dont elle devait se repentir. Cela avait fait d’elle une jeune fille timorée, mal dans sa peau, n’osant jamais se laisser aller sous peine d’être jugée ! « C’est pécher que de céder à la gourmandise, c’est pécher que de montrer ses jambes, c’est pécher que de regarder un homme dans les yeux, se faire plaisir c’est pécher…c’est pécher… » Stop !!!
Un jour, elle craque. Marre de culpabiliser, marre de feindre, marre, marre !
Une collègue de bureau l’a invitée à une soirée. « Tu verras, c’est sans chichis, et sans tabous ! » Seigneur, mon Dieu ! Sans tabous ? Mais…
« Allez ne fais pas cette tête-là, cela te décoincera »
Pas rassurée du tout, elle accompagne son amie. A peine arrivée, elle veut déjà repartir. Cette ambiance de fête débridée la choque, elle ne sait plus vers où se tourner. Et puis, ses yeux rencontrent un regard qui lui semble de la braise. Elle sent une forte chaleur monter en elle, un feu encore inconnu. Elle tente de fuir, mais, incapable de bouger, elle reste clouée sur place. Avec un sourire enjôleur, le jeune homme se dirige vers elle, la fixant avec convoitise. Elle ne sait pas où se mettre. Elle est si mal à l’aise, elle n’entend plus rien, le sang bat dans ses tempes, elle n’a plus qu’une envie, celle de s’enfuir loin de ce démon dont elle perçoit le dangereux attrait. Elle réussit à se frayer un chemin jusqu’à la porte. Elle tremble, ses mains sont moites. Cette vague chaude au creux de son ventre ne fait que s’amplifier ! Que lui arrive-t-il ? Elle n’a jamais ressenti cela ! Troublée ! Oui, elle est troublée par cet inconnu ! Est-elle devenue folle, a-t-elle perdu toute conscience du bien ?
Elle ne parvient pas à bien dormir cette nuit-là, elle fait un rêve terrible, oh mon Dieu ! Elle est allongée nue, sur un lit vaporeux, entourée de tulle et de voiles mousseux. Près d’elle, un corps viril et musclé : c’est l’homme de la soirée, celui qui a provoqué son premier émoi physique. Leur corps se cherchent, se rapprochent, leurs peaux tièdes se mêlent et un tourbillon érotique les emportent. Ils halètent, gémissent semblant s’épuiser, puis reprennent leurs étreintes jusqu’à l’insoutenable.
Elle se réveille en sursaut, Oh mon Dieu ! « Pardonnez-moi, Seigneur parce que j’ai péché » Ah non, non et non ! Elle éclate de rire, elle rit, elle ne peut plus s’arrêter. Me pardonner ? Mais me pardonner quoi ? Quel péché ? Que signifie ce mot ? Péché, frustration, empêcher la vie d’être la vie ! Elle réalise dans quel carcan elle a été élevée et a vécu jusqu’à présent : celui de la culpabilité permanente, de la peur du péché, du Mal, de la peur de vivre finalement !
Et voilà qu’elle vient de découvrir que le plaisir ne rend pas coupable, il fait se sentir vivant ! Son rêve est un électrochoc. Elle a vécu avec l’héritage d’une foi qui n’était pas la sienne, une pseudo-foi qu’on lui avait léguée comme base de vie. Mais c’est fini, désormais elle fait le choix de la liberté. Elle comprend que ses rapports aux hommes vont changer, elle est bien déterminée à ne plus gâcher ses histoires d’amour.
ORANE
Et pour finir la ronde de mots :
offrir – tambouille – cage - volet – insoutenable – érotique – partir – arriver – à voile – à boire – pieds-de-poule – escalier – magicien – portail – eau- couler – collage – oiseau.
Là où je t’emmènerai…
Qu’avait-il à lui offrir ? Son amour, oui, sa protection, mais elle méritait tellement plus, il se sentait minable, misérable, c’était insoutenable. Il aurait voulu pouvoir lui donner le monde entier, elle était si frêle, si fragile, elle rêvait de ne plus avoir ce petit rongeur à l’intérieur du cœur, elle aimait tant la vie ! Alors il se voyait magicien, pour elle, pour qu’elle puisse vivre son rêve, vivre quoi, juste vivre encore un long temps.
Elle lui disait souvent qu’elle se sentait prisonnière, qu’il devait l’aider à briser les barreaux de sa cage, elle voulait partir avec lui. Alors il lui promettait qu’un jour il l’emmènerait sur son bateau à voile, ils traverseraient les océans couleur d’émeraude et vogueraient jusqu’à l’Ile du Bonheur. Là-bas, lui racontait-il, rien de mal ne peut nous arriver. Je te bâtirai une jolie maison avec des volets bleus. Il y aura un jardin plein de fleurs multicolores, tu pourras te reposer à l’ombre des acacias ; les alizés légers nous apporteront les effluves parfumées des frangipaniers. Lorsque le crépuscule descendra et viendra nous diffuser sa douce lumière, je nous servirai à boire et nous trinquerons à notre amour. Tu verras, la vie va couler comme l’eau paisible du fleuve où se mirent nos deux silhouettes enlacées.
Pour dîner, nous nous installerons près de l’escalier, car après le repas, nous aurons hâte de monter nous retrouver dans le cocon douillet de notre chambre.
La nuit, complice, nous entraînera dans des tourbillons de volupté, dans le monde des jeux érotiques que nous réinventerons sans cesse… Es-tu prête pour le décollage ma douce ?
- Réveille-toi mon vieux ! Il sursaute, il s’était assoupi sur le pont du vieux rafiot sur lequel il travaillait de temps en temps pour arrondir ses fins de mois. Allez, c’est ton tour d’aller faire la tambouille, mais vas-y mollo aujourd’hui, hein, la dernière fois ta marmite était tout juste bonne à nourrir les oiseaux du port !
Il tourne machinalement la cuiller dans la casserole, il pense à elle, elle doit venir le chercher, il se dépêche. Soudain, il la voit arriver, elle passe le petit portail au bout du ponton. Comme elle est belle dans sa petite robe à pieds de poule, comme il l’aime ! Aujourd’hui, il va lui annoncer qu’il a enfin gagné de quoi lui offrir le voilier qui les emmènera loin d’ici. Mais, qu’a-t-elle brusquement ? Il la voit vaciller, essayer de se rattraper, il a à peine le temps de se précipiter pour la cueillir dans ses bras et l’empêcher de basculer dans les eaux glauques. Il crie, il hurle, elle n’a plus de pouls, elle ne respire plus. Son petit corps s’alourdit, sans vie. Il tombe à terre, sans la lâcher, et il pleure, il pleure, de chagrin et de colère. Le sursis est terminé, le petit rongeur dans le cœur de sa belle a gagné.
ORANE
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