Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

L'atelier du 20/11/2013

Ronde de mots en logo-rallye autour de la nature : outrage – siffler – liane – jaguar – évanoui – drame – furtif – femme. Y caser aussi : mais - ou – et – donc - or – ni - car.

 

 

Mais, qu’est devenue ma plage, que s’est-il passé ? Je ne retrouve plus le paradis de mon enfance. Qui a osé lui faire outrage ?

Autrefois, lorsque le vent sifflait sur les dunes, nous nous abritions derrière elles et nous nous inventions un monde à nous. Pendant des heures, robinsons en herbe, nous nous racontions des histoires, pêchant de miraculeux poissons argentés, ou survivant à toutes sortes de mésaventures imaginaires. Allongés sur le sable, petites silhouettes sur l’immense grève, nous nous fabriquions une vie de rêve. À l’arrière, un peu plus loin, le bois de pins parasols devenait la jungle où nous avions atterri en sautant de liane en liane, pour échapper à l’assaut sournois d’un troublant jaguar.

Comment aurais-je pu oublier ces journées entières passées sur « notre » plage, ivres de liberté ? Le soleil y brûlait tant qu’il desséchait les aiguilles des pins qui crissaient sous nos pieds nus, nous entamant parfois la chair.

Et puis, nous ne sommes plus revenus à cet endroit car nous étions devenus grands, finis les jeux d’enfants. Notre monde ne nous appartenait plus, il s’était évanoui avec nos jeunes années.

Projetés en avant par la course de la vie, nous ne pouvions plus nous retourner. Or, j’aurais tellement voulu pouvoir me retourner. J’avais vécu un drame en te perdant, et rien ni personne n’y pouvait quelque chose.

Les souvenirs, d’abord furtifs puis de plus en plus obsédants, sont revenus, s’incrustant dans ma nouvelle vie pourtant bien pleine. À présent, je suis une femme avec des responsabilités professionnelles, je vis dans une de ces grandes villes où les regrets et les sentiments n’ont pas cours. Le manque a commencé à monter en moi jusqu’à m’étouffer. Le manque de notre plage dorée, de nos dunes balayées par la brise marine, de la mer pailletée par le soleil, de notre forêt de pins parasols, refuge des jeunes Jane et Tarzan que nous étions autrefois. J’ai donc eu besoin d’une plongée dans mon passé, dans mon enfance.

Je reviens aujourd’hui et…la plage a disparu. À la place, un grand complexe hôtelier s’étend sur une centaine de mètres. Il ne reste plus rien du lieu magique qui fit les délices de deux enfants insouciants…

 

 

 

ORANE

 

 

 

Autour d’un tableau : LE CONCERT CHAMPȆTRE de COROT

 

Écrire un texte avec un personnage extérieur au tableau.

 

 

Cela fait plusieurs fois qu’il les voit venir ici ces six jeunes filles dont on ne saurait dire laquelle est la plus jolie. Tapi derrière un arbre, à l’abri des regards, il attend depuis une heure. Et voici qu’elles arrivent et les rayons du soleil semblent soudain plus ardents. Comme à leur habitude, trois d’entre elles, les plus jeunes, se dirigent vers le bord de l’étang en riant et s’apostrophant gaiement. Quelle fraîcheur sur leur peau laiteuse que les robes légères et décolletées laissent aisément apercevoir. Les trois autres, plus sérieuses, ne sont pas là pour s’amuser, elles répètent un morceau de musique. Elles ont pris place au milieu d’une clairière, et il croit découvrir une oasis au cœur de la forêt sombre aux arbres denses. L’une d’entre elles joue du violoncelle, quelle grâce dans ses mouvements ; sans qu’elle y prenne garde, la bretelle de sa robe a glissé sur son bras, découvrant la rondeur d’un sein, il détourne les yeux. La demoiselle à genoux sur la droite, chante d’une voix pure en penchant sa jolie tête. La sixième amie, allongée nonchalamment, offre à l’œil indiscret ses formes généreuses. Elle reprend le refrain en canon. Le spectacle est en tous points un ravissement. Pendant ce temps, les trois autres jeunes filles poursuivent leurs jeux, se taquinant et s’éclaboussant allègrement. Un cygne passe en glissant et s’arrête, intrigué. Elles ont cueilli des mûres et s’en régalent à l’envi, ignorant complètement le trio d’artistes dont les accords résonnent pour le plus grand bonheur de leur observateur. Quel ravissant tableau, il ne s’en lasse pas. Depuis qu’il les a surprises il y a quelques semaines déjà, il ne raterait pour rien au monde ce précieux rendez-vous avec la grâce, la beauté, la fraîcheur et le talent. Lui, le fou, le ravi, rejeté et moqué, lui qui n’a aucun droit, une fois par semaine il a droit à son spectacle, c’est son cadeau à lui.

 

 

ORANE      

 

 

 

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FEMME à LA MER – Tableau de Niculae GRIGORESCU

 

 

Emmitouflée dans son long manteau de peau marron, elle tourne le dos à l’océan. L’air est très vif et le vent qui vient de la mer, chargé de senteurs iodées lui fait du bien. Depuis qu’elle s’est retrouvée seule, elle aime venir ici, elle y puise le courage et la force de continuer à vivre. Aujourd’hui, malgré le vent, le soleil chauffe un peu. Elle a mis son chapeau pour protéger son beau visage et le grand voile blanc qu’elle a noué autour, l’enveloppe et lui confère une douceur et une fragilité qui donne envie de la protéger. Le tabouret pliant où elle pose habituellement son tricot ne lui sert à rien aujourd’hui, elle n’a pas pris son ouvrage. Elle est perdue dans ses pensées, son ombrelle a glissé au pied de sa chaise longue, elle ne l’a pas remarquée. Son cœur finira par s’apaiser, sa douleur par s’atténuer, mais il lui faudra du temps.

Elle entend un peu plus loin une famille au bord de l’eau, les cris d’un jeune enfant la font sourire. Elle se souvient de son petit John, des cris de joie qu’il poussait à chaque fois qu’ils arrivaient sur la plage. Il riait en sautant pieds nus dans l’eau, éclaboussant tout autour de lui. Elle, elle installait sa chaise longue, face à la mer, et vidait sur le sable le sac de jouets de son petit garçon. Celui-ci, tout excité, se mettait aussitôt à l’œuvre. « Je vais te construire un beau château maman, tu es ma reine alors tu dois vivre dans un château ».

Elle frissonne. Il est parti faire sa vie ailleurs, et à présent, c’est toute seule qu’elle revient ici.

Mais elle ne peut plus faire face à la mer, elle ne peut plus regarder l’immense étendue parce que c’est là-bas, de l’autre côté de l’horizon, qu’il est parti vivre son petit. Et elle en souffre trop, aussi elle préfère lui tourner le dos, elle peut ainsi mieux l’imaginer heureux loin d’elle.

Le vent se calme, il fait plus doux, elle se sent lasse, elle va rentrer. Demain elle reviendra puiser son énergie dans celle de l’océan, ce sera sûrement la dernière fois. Après, elle va devoir prendre une décision : partir, quitter cet endroit chargé de ses souvenirs… pour rejoindre son enfant, depuis le temps qu’il le lui demande.

 

 

ORANE



22/11/2013
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