Maridan-Gyres

Une forêt d'arbres creux

C'est une petite librairie cocooning où se reposent des livres. Ils ont une odeur, celle du papier et, de la sueur de ceux qui les ont écrits. Ils attendent patiemment qu'une main les saisisse. Des rayons il y en a de partout. L'intérieur est calme et coloré, par endroit le sol en craque. Un enfant passe dans la rue en riant, il agrémente l'atmosphère paisible de sa bonne humeur. C'est bien plus drôle que les voitures bruyantes et polluantes qui passent en continu.

Le jardin des lettres

Elles sont là, ces dames penchées sur leur cahier à griffonner je ne sais quoi et, d'autres interrogatives, le crayon suspendu ne sachant quoi blablater. Leurs têtes ne sont pas creuses, mais pleines de mots, de phrases bien pensées qu'elles posent sur une feuille blanche avec délectation. Un livre au mur à la couverture lunaire jaune et bleu me sourit.

Soudain !  Il est là le livre, il m'appelle, il me veut, moi    "Une forêt d'arbres creux".  

Ce livre tant attendu par son originalité. La forêt, cet endroit magique, sombre et humide. Certains arbres sont longs et donnent l'impression de vouloir toucher le ciel. D'autres, plus petits et ventrus. Ils sont tellement vieux que leur tronc se creuse. Que se passe-t-il à l'intérieur ?

De petits animaux y vivent en harmonie, enfin pas tout le temps. Il y en a qui prennent plus de mètres carrés que d'autres, ce qui fait que certains se font expulser. Certains troncs constituent de vrais HLM. Un village d'arbres creux quelle originalité. Les habitants grouillent dans tous les sens. Ils se croisent, se recroisent, se disent bonjour avec politesse et courtoisie. Ils savent avec forte intelligence (par rapport aux humains) partager les tâches de nettoyage des allées qui vont de chez eux au chemin de terre et de feuilles mortes. Ils sont joyeux, dynamiques, rien ne les arrête.

Un écureuil est là, à la porte de son tronc.  Il est en colère contre un couple de bêtes à plumes qui l'ont réveillé de sa sieste par leur commérage.  D'un seul coup, chose qu'il n'avait jamais ressentie avant, il s'aperçoit que les arbres parlent, il n'en revient pas. Les arbres communiquent entre eux ! Il se croit fou et court de tronc en tronc à la recherche d'un docteur. Sur son chemin, il rencontre une pie, il lui raconte sa mésaventure.

- Mais non, lui répond la pie, tu n'es pas fou.

Elle le prend sous son aile et  lui explique que les arbres communiquent vraiment entre eux. C'est un moyen qu'ils ont pour se défendre contre les dangers qui peuvent les détériorer.

- Ouf je ne suis pas fou, je ne suis pas fou et, tranquillement il rentre dans son arbre creux.

Cet homme, le voyeur de ce spectacle est là, assis en compagnie de ses deux chiens, sur le tronc d'un arbre coupé, en forme de siège. Il a suivi le va-et-vient des habitants de la forêt. Il  trouve cette situation curieuse, des appartements dans des arbres creux, il hausse les épaules et sourit. Son enfance refait surface, il se souvient, des champignons qu'il ramassait avec son papa et de leur odeur dans l'assiette. Il ferme les yeux et médite sur son enfance bercée par la forêt.

Estrella 3 juillet 2018