Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier 9 - 2021 - Sujets 1, 2, 4, 5 + sujet 3 tautogramme en I

 

Vis ta vie!

 

Ma vie a commencé ce matin, mais pour vous la raconter, il me faut remonter quarante ans en arrière.

 

Ce jour-là, mes parents avaient décidé, une fois de plus, d’organiser pour moi une fête d’anniversaire. Ma mère qui avait tout d’une diva était convaincue que vingt ans cela se fêtait en grand. Elle m’avait demandé ce qui me ferait plaisir et comme chaque année, j’avais répondu une fête entre amis.

 

Mais faire les choses sobrement était au-dessus de ses forces et surement pas dans sa nature ! Elle s’employa à organiser une sorte de fête pour neuneus. Tous les invités devraient être déguisés. Rien que d’y repenser, j’en avais la nausée.

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Pour info, mes parents étaient deux femmes. Ma mère la sublime Isabelle sorte d’hystérique survoltée et Melinda, douce et si tendre avec moi, chère à mon cœur d’enfant.

Chaque soir, c’est elle qui me racontait des histoires fabuleuses qu’elle inventait spécialement pour moi. Quand elle sentait mon endormissement proche, sa voix finissait dans de doux balbutiements qui faisaient comme une mélodie qui m’accompagnait jusqu’à ce que je sombre dans un sommeil réparateur.

 

« Imagine ! Commençait-elle invariablement. Imagine que tu es  capitaine d’un voilier qui défie l’océan. » Ou encore « Imagine que tu as découvert une porte qui ouvre sur une autre planète ! Que vas-tu en faire ? »

 

Toutes ses histoires qu’elle créait pour moi, je les recevais comme des offrandes.  J’aimais tout de cette femme que j’ai toujours considérée comme ma vraie maman.

Le soir, lorsqu’elles se retrouvaient seules avec moi à la maison, j’étais le centre d’intérêt de Melinda. Lorsqu’elles s’embrassaient Melinda  plaçait une main pudique devant leurs lèvres qui se joignaient. Mais ma mère véritable diablesse, ne le supportait pas, alors elle insistait encore plus poussant sa langue à forcer les lèvres de celle qui s’échappait pour m’épargner. Je l’adorais pour tout cela.

 

Quelquefois, elles avaient de violentes disputes et après c’est encore Melinda qui venait me rassurer.

 

« Pas d’inquiétudes mon petit cœur, je serai toujours là pour toi ». Je me sentais beaucoup plus proche d’elle que de celle qui m’avait porté en son ventre.

 

Pour mes amis cette fête fut une réussite… pour moi, elle fut le début d’un long cauchemar. Mais reprenons à cette fameuse fête.

 

Melinda avait choisi le meilleur pâtissier de la ville et le traiteur le plus en vogue à ce moment-là. De mémoire, c’est sans aucun doute l’un des lunchs les plus réussis auquel j’ai eu la chance de participer. Tous nos invités passèrent un bon moment.

Ma mère fan de music-hall avait convié une troupe d’artistes tous plus talentueux les uns que les autres. Tout se passait le mieux du monde lorsque soudain, ma mère apparut le visage figé sur une expression d’horreur. C’est le pâtissier qui rattrapa in extrémis la pièce montée qui aurait fini par terre sans son intervention providentielle. Cela s’était passé si vite que peu de personnes furent comme moi témoin de ce moment.

Melinda s’était avancée vers le comique et il s’était mis à faire des blagues et à jouer avec son public. La journée se termina aux alentours de minuit.

 

Lorsque le moment était venu de distribuer les cadeaux, je reçus moult présents. Une seule personne avait disparu, ma chère Melinda.

Pour la première fois depuis vingt ans, je dus aller me coucher sans l’avoir revue. Je ne fermai pas l’œil de la nuit.

 

Au matin, j’allais frapper à la porte de leur chambre. Ma mère était seule.

 

  • Où est Melinda ?
  • Elle est partie !
  • Partie où ?
  • Je n’en sais rien. Laisse-moi dormir !

 

C’était une fin de non-recevoir. J’attendis toute la journée en vain que l’une ou l’autre me fasse signe. A midi j’étais mort d’inquiétude. Mon téléphone sonna. C’était elle.

 

  • Bonjour mon ange,
  • Melinda, où es-tu ? J’étais très inquiet. Que s’est-il passé, tu as disparu ?
  • Je suis à l’hôpital de Montfermeil.
  • Qu’y fais-tu ?
  • On doit m’opérer à quinze heures.
  • J’arrive !
  • Non ! Je t’en prie, c’est inutile.
  • Désolé, pas pour moi. Je serai là dans vingt minutes.

 

Je raccrochais précipitamment et je partis en voiture pour l’hôpital. Vingt-cinq minutes plus tard, j’étais près d’elle. Comment pouvait-elle avoir autant changé en à peine vingt heures ?

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Elle avait sur la tête un turban bleu qui mettait ses yeux en valeur. Sa longue tignasse bleue avait disparu. Son visage n’exprimait plus sa force et sa joie de vivre, il était figé en une expression douloureuse. Elle fuyait mon regard. Je compris pourquoi quand je fis le tour du lit. Ses yeux étaient rougis d’avoir trop pleuré. Elle avait tout de même un joli sourire pour moi.

 

  • Pourquoi es-tu là ?
  • Le Petscan a révélé une tumeur de stade trois.
  • Où ça ?
  • Au cerveau.
  • Tu le sais depuis quand ?
  • Il y a quinze jours, j’ai eu un malaise au travail. J’ai été conduite ici. Ils m’ont fait passer un IRM. Ce qu’il y avait sur l’IRM les a conduits à me faire passer un Petscan. Trois jours plus tard, j’ai appris de quoi il retournait exactement.
  • Pourquoi tu ne m’as rien dit ? Je ne suis plus un enfant.
  • Je sais, mais je voulais vivre cet anniversaire avec vous deux. J’avais tout préparé avec tellement de soin. Tu n’as même pas vu ton cadeau. Fouille dans la poche de mon manteau et prends l’enveloppe, elle est pour toi. Je devais te la donner hier soir, mais l’hôpital m’a avertie que le chirurgien avait eu un désistement, c’était la seule possibilité avant des semaines.
  • Qu’elles sont tes chances d’en sortir sans séquelles ?
  • Elles sont faibles. Si jamais, je ne m’en sors pas, je veux que tu te rendes chez Maître Vidal. Je lui ai laissé mes instructions. J’aimerais aussi que tu prennes soin de ta mère elle est beaucoup plus fragile que tu ne crois.
  • C’est toi ma mère ! Cela n’a jamais été elle. Il est hors de question que tu disparaisses.
  • Prends ta lettre et ouvre là !
  • Je la prends, mais je l’ouvrirai demain, après ton opération.
  •  OK, fais comme tu veux. Je t’aime mon garçon, je serai toujours là pour toi, je te le promets. Tu le sais n’est-ce pas ?

 

Je ne pus retenir mes larmes. Un médecin passa dix minutes plus tard et me fis sortir de la chambre. Je la serrai très fort dans mes bras et je l’embrassai sans savoir que c’était la dernière fois que je la voyais en vie. Je la vis partir pour le bloc. Il était 14h

 

Quatre heures plus tard, le médecin vint me dire que son cœur avait cessé de battre. Je passais les huit jours suivants affalé au fond de mon canapé.

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Je voyais ma mère entrer et sortir accompagnée tantôt d’une ou deux amies, parfois c’était un défilé incessant. Je compris qu'elle était incapable de vivre seule.

 

Au bout de dix jours de ces allées et venues,  je quittai définitivement, cette maison qui avait été celle de mon enfance pour ne plus y remettre les pieds.

 

Lors de son enterrement, ma mère était accompagnée de deux femmes que je ne connaissais pas. Toutes les trois étaient habillées de la même robe rouge, comme un pied de nez à nos tenues sombres. Je reconnaissais bien là, le côté hors normes de ma génitrice. La seule chose que je remarquais ce fut leurs regards tristes. Toutes les trois semblaient bouleversées. Melinda devait les connaître, mais je ne les avais, pour ma part, jamais vues.

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Au moins ma mère ne portait pas ces tenues fleuries habituelles.

J’avais demandé à des amis de venir chanter sur sa tombe ce qu’ils firent avec beaucoup de talent.

 

Je me rappelle des mots de Barbra Streisand dans sa sublime chanson « memory » (cliquez sur le lien pour écouter cette merveille)

 

  https://www.youtube.com/watch?v=MWoQW-b6Ph8

 

« Memory, all alone in the moonlight

I can dream of the old days

Life was beautiful then

I remember the time I knew what happiness was

Let the memory live again »

 

J’entends les paroles et tout me revient, tu me la chantais souvent pour m’endormir lorsque j’étais enfant. Aujourd’hui c’est moi qui accompagne ton dernier voyage.

 

Je te dédis ces quelques mots, puissent-ils ouvrir les portes du Paradis juste pour toi. C’est ma seule et unique prière fasse le ciel qu’il m’entende.

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« J’ignore si tu existes vraiment, toi,

Le maître des cieux,

Mais si tel est le cas,

Accueille en ta maison cette femme

Qui me fit aimer la vie.

Qui me demanda de croire en toi,

Moi qui ne croyais en rien.

Tu me l’as prise bien trop tôt

 Et je devrais t’en vouloir,

Mais je sais qu’elle ne le voudrait pas.

Alors je te conjure de prendre soin d’elle.

Amen »

 

Trois mois plus tard, je croisais ma mère. Elle avait le visage figé en un rictus douloureux. Nous avons déjeuné ensemble, puis chacun est reparti de son côté. Ses yeux avaient gagné une douceur que je ne lui avais jamais vue. Comme si son âme et celle de Melinda avaient fusionné.

 

Nous nous retrouvions chaque samedi pour déjeuner ensemble. Un samedi, elle n’est pas venue. Elle s’était éteinte dans son sommeil. Un an, jour pour jour, après la mort de son âme sœur.

 

Le temps a passé et aujourd’hui, je fête seul mes soixante ans. Depuis quarante ans, je traîne mon âme blessée de femme en femme, mais je n’ai jamais réussi à dépasser la perte de celle que je considérais comme ma mère.

 

Ce matin en faisant du tri dans mes vêtements, j’ai retrouvé la fameuse lettre que Melinda m’avait demandé d’ouvrir après sa mort. Je me suis servi un café et j’ai ouvert l’enveloppe où j’ai découvert ce qui suit :

 

«  Coucou mon petit loup,

 

Si tu lis cette lettre c’est que je ne suis plus et que j’ai entrepris ce fameux grand voyage dont je te parlais quelquefois. Ne sois pas triste. Je te l’ai souvent dis, ici nous ne sommes que de passage. Notre but est d’apprendre pour continuer à évoluer. Nous nous reverrons mon ange, c’est une promesse que je sais pouvoir tenir.

En attendant nos retrouvailles, où tu pourras me raconter tout ce que j’ai loupé de ta vie, tu trouveras chez Maître Vidal les dispositions que j’ai prises pour toi. Par contre, il ne sait rien de cette petite clef que je joins dans cette enveloppe. Cette clef ouvre un garage que je possède et dont les papiers sont dans le coffre qu’ouvre cette clef. Tu te rendras dans la banque  et outre ton cadeau d’anniversaire, je te lègue tous mes plus beaux trésors. Eclate-toi, mon chéri. Vis ta vie à fond.

Te connaissant comme je te connais, je sais que tu as du attendre un peu avant d’ouvrir ta lettre. Ne perds plus de temps, Vis intensément, passionnément et follement.

Je t’aime infiniment et où que je sois, je continuerai à veiller sur toi jusqu’à nos retrouvailles.

PS : Prends ton temps.

Ta maman de cœur. »

 

J’ai pris la clef et je me suis rendu à la banque. Le coffre contenait tout ce à quoi Melinda accordait de la valeur. Un gros album avec tous les mots d’amour et les dessins que j’avais fait pour elle. L’énorme diamant, la bague de ses fiançailles  que maman lui avait offert et qui lui ressemblait si peu, le joli petit jonc en or que je lui avais offert pour la fête des mères avec mon premier salaire, et enfin, je vis une petite boîte en métal dans laquelle je trouvais un petit carnet avec l’adresse du garage, un trousseau de clefs, un collier fait des épines de pin parasol que je lui avais confectionné avec amour, un autre collier de pâtes faites à la maternelle, etc… Elle avait tout gardé comme des trésors.

 

Je quittais la banque avec la petite boîte en métal et je me rendis au garage. Lorsque j’ouvris la porte, je découvris une magnifique Porsche 928 rouge entourée d’un gros ruban blanc. Sur le fauteuil passager il y avait une carte qui disait :

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« Fabrique-toi de beaux souvenirs à me raconter

lorsque nous nous reverrons.

Je t’aime,

Melinda »

 

J’ai levé les yeux vers le ciel et pour la première fois depuis quarante ans, j’ai laissé s’envoler toutes mes idées noires. Puis, j’ai souri libéré.

Depuis, je suis au volant de ma petite merveille et je roule sans savoir où je vais, mais je sais que je suis sur le chemin de ma nouvelle vie et qu’elle me conduit sur la bonne route.

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Sujet 3

Imagine, intrépide Isabelle,

Imagine l’île impénétrable

Immergée intensément inspirante

Illusions d’idylles intemporelles

Inscris l’imaginaire impalpable

Idole incendiaire ignorante

Irritée inachevée insatisfaite

Invente-toi

 

                                                          

Maridan - 22/05/2021                



22/05/2021
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