Atelier 8 - 2022 – sujet 4
Illustration : Sibylle Dodinot - 3 bretonnes
Silhouettes graciles vêtues de noir, trois jeunes femmes avancent sur le sable. Faisant fi de la pluie fine qui leur fouette le visage et de leurs robes qui virevoltent autours d’elles sous l’effet du vent, elles se dirigent vers l’océan d’un pas uni sous leurs parapluies. Le regard droit sur l’horizon, elles marchent à l’unisson portées par une seule et même raison, celle qui les réunit tous les mardis sur cette plage bretonne à l’écart du village : elles viennent rendre hommage à leurs maris, que l’océan a engloutis.
A peine mariées et déjà veuves, elles si jeunes et pleines de vie, dans le malheur sont devenues amies. Femmes de marins liées par le destin, aux yeux de tous elles portent le deuil de leur premier amour depuis ce malheureux jour, mais elles seules savent que cette épreuve ne définira pas toute leur vie. Elles ont d’ailleurs déjà tourné la page, mais les convenances ancestrales leur imposent cette sombre tenue, une morne attitude, et ce rituel tous les mardis sous les yeux des familles réunies. Combien de temps encore devront-elles jouer la comédie ?
Bien sûr elles ont pleuré ces hommes qu’elles ont aimés, mais leurs histoires d’amour passionnelles et fugaces ont été enfermées dans des mariages imposés par la bienséance. Car en ce temps, une jeune fille ne peut se permettre d’aimer librement, elle doit se ranger à la coutume sous peine d’être mal jugée. Alors pour elles ce deuil est une libération, pourquoi devraient-elles se sentir coupables de vouloir vivre comme elles le veulent ? Elles sont tellement impatientes de concrétiser leurs rêves de jeunes filles, elles maintenant devenues femmes…
Illustration : Sibylle Dodinot - Retour du marché
Aussi, le dimanche suivant, elles ont décidées de mettre fin à ces simagrées. Elles ont déambulé au marché ornées de leurs coiffes de cérémonies, celles qu’on ne sort que pour les occasions joyeuses, sous les yeux des villageois ahuris. Chez le marchand de tissus, elles ont chacune choisi un foulard de couleur duquel elles se sont parées pour défiler la tête haute entre les étals, se moquant des regards inquisiteurs et des murmures qu’elles ont pu entendre à leur passage.
Puis à l’écart de la foule encore choquée, elles ont achevé leur parade en prenant la pose comme des divas, pour exposer à tous leur liberté.
Lizzie
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