Atelier 6 - 2019 - sujets 1 et 3
Sujet 1 - Créer un personnage crédible – « Rouletabille ».
Rouletabille POINT se regarde dans un miroir rond aux coins carrés acheté dans une brocante astrale. Elle voit son œil médian à la pupille dilatée rougeoyante, son nez en forme de galette, sa bouche en cul de poule et ses joues comme des pommes soufflées. Elle aime plutôt son reflet et tournoyant sur elle-même s’enroule dans une étoffe finement métallisée de la tête aux pieds. En fait, elle n’a pas de pied, c’est un boule sur une boule d’où son nom Rouletabille.
Elle ne marche pas : mettre un pied devant l’autre la laisse pantoise quand elle regarde les créatures sur 2 ou 4 pattes.
Drapée dans son tissu à petits points lumineux noirs et blancs, indéchirable, résistant à l’eau, à la poussière, à toute agression sauf à l’arrachement brutal, elle commence à dévaler la pente qui la conduit de sa demeure « L’œil encerclé » à la station de « Taxi –Boule ».
Pour y entrer, elle doit prendre de la vitesse et bien viser l’ouverture, car le taxi tourne en permanence, et si elle rate son coup, elle est obligée de rouler jusqu’à la station suivante et ainsi de suite. Il arrive qu’elle change de galaxie sans le vouloir.
Pour l’heure, elle réussit son entrée du 1er coup. Le « taxi – Boule » l’emmène dans l’espace en suivant les points solaires d’un arc en ciel, puis prend le vent sidéral et s’éloigne à toute allure à quelques millions de kms. Elle a rendez-vous avec son double amoureux.
Au cours du trajet, son esprit se fixe sur une idée en boucle. Ceux qui avancent un pied devant l’autre sont ’ils plus heureux ? Est-elle privilégiée à tourner en rond ?
Il y a longtemps que la race humaine ultra mutante a détruit sa planète, de rares spécimens transgéniques se sont rués vers des astéroïdes et dérivent sur des astres incertains avec quelques animaloïdes(1), ils sont tolérés par des extra planétaires intemporels, telle Rouletabille, aux mœurs inspirées de mille civilisations éternellement instables…
Et, voilà que celle qui est perdue dans ses pensées profondes est rappelée à l’ordre par le sifflement aigu du « Taxi – Boule » qui s’immobilise et hurle de s’éjecter du véhicule. Rouletabille roule sur le côté en évitant de heurter les parois de la machine volante pour ne pas risquer de perdre au passage son costume enveloppant, ouvragé par les mains menues de branchettes d’étoiles. Elle se pose en douceur sur une chevelure nébuleuse de comète. OUF !!
Celle dont le plexus solaire soubresaute voit venir vers elle un petit point clignotant, puis un cercle rouge brillant telle une boule de feu qui avance par propulsion tournante, puis s’immobilise, reste en suspension, intrépide navette d’où s’extirpe son double amoureux en double roulade.
À peine sont-ils face à face que leurs silhouettes se superposent et se fondent dans la brume lunaire. D’un même élan, leurs cœurs cristalloïdes traversent les chemins célestes, jusqu’à la 25ème heure du jour d’après.
2éme personnage – « Doc le Taiseux »
Il marche dans la pénombre à pas lourds, sa haute silhouette massive un peu voûtée se reflète furtivement dans les flaques d’eau brillante sous les lampadaires du bourg déjà endormi en cette soirée hivernale.
Il porte un chapeau rond à larges bords et la pluie goutte sur son écharpe, derrière ses lunettes embuées son regard bleu métallique essaye de trouver le chemin. La brume crépusculaire inquiétante dissimule les méandres de la rue. Il tient une valise en cuir du côté droit d’une main gantée et l’autre est dans sa poche.
Arrivé devant une grande porte-cochère, il sonne. Une femme emmitouflée ouvre et le fait entrer précipitamment.
Il monte pesamment les deux étages et pénètre derrière la femme dans un vieil appartement cossu, désuet mais au charme indéniable. Les tentures soyeuses retiennent brièvement son attention.
Il se débarrasse de son manteau en gros lainage, pose son chapeau, demande où est la chambre et s’approche du lit où repose un vieil homme blanc comme un linge, à la respiration sifflante.
Il enlève ses gants, ouvre sa valise, sort ses appareils et commence à ausculter le malade, ses grandes mains le palpent avec délicatesse. Après cet examen, il conclut « Rien de bon. Il faut appeler l’hôpital ». La femme se dirige vers le téléphone.
L’ambulance ne va pas tarder. Elle invite le médecin à boire un café. Il acquiesce distraitement, il regarde les tableaux au mur, de l’impressionnisme, du pointillisme, un éclectisme un peu déroutant. Il fut un temps où il aimait tout ça.
La femme est silencieuse. Lui aussi, il parle peu en général. On l’appelle « Doc le taiseux »
Il vit dans un hameau proche du bourg, solitaire depuis la mort de sa femme. Il s’était installé 4 ans auparavant dans ce désert médical par vocation et parce que l’air de la campagne pouvait faire du bien à son épouse malade de longue date. Malheureusement, elle avait quitté son paysage. Sans enfant il se retrouvait seul dans cette contrée dépeuplée.
Depuis cet épisode douloureux, il a perdu ses envies de promenades avec ses chiens, son ardeur à lire, à recevoir. Il délaisse son jardin. Assis sur un banc de pierre quand le temps le permet, près de la mare, il contemple l’horizon de longues heures plongé dans ses souvenirs et s’étiole, oublie les heures de repas, seuls ses patients le ramènent à la réalité, pour combien de temps ?
Et le voilà encore perdu dans ses noires pensées à l’instant où la sirène crève le silence.
La femme et lui sursautent comme sortis d’un autre monde. Les ambulanciers s’activent et emportent le pauvre corps souffrant sur un brancard.
En tant que médecin, il leur dit trois mots nécessaires, les salue et les laisse à leur travail. Il prend congé de la femme et sort.
Celui qui une heure auparavant avait répondu à l’appel de cette villageoise, traversant les rues mouillées comme un spectre va retrouver ses fantômes. Rentré chez lui, fatigué, il se laisse tomber dans un fauteuil un peu bancal, comme lui…il se sert un verre d’eau, la bouteille est toujours sur la table basse et déjà se profile son cauchemar… Cette nuit s’annonce peu clémente comme toutes les autres, la paix les a quittées depuis longtemps.
Claudine.
Sujet 3 - Logo Rallye – poésie ou prose
Délimiter, écriture, intensité, passage, rond, incorporer, émotion, étincelle, scène, conscience.
Leçon de peinture :
« Le maître de l’Atelier regarde la jeune femme. Elle hésite à installer son chevalet, visiblement elle ne sait ni où se mettre ni comment bien capter la lumière, elle pose sa valisette de matériel au sol, elle est toute maladroite. Il sourit, s’approche d’elle et lui dit :
« Commencez par bien délimiter l’espace dont vous aurez besoin, imaginez si vous peignez par larges gestes…ne pas gêner les autres et vous mouvoir à l’aise…l’écriture d’un tableau ne se fait pas avec des lettres, c’est un autre langage tout aussi créatif qui a aussi son alphabet, à commencer par les couleurs primaires et la multitude de combinaisons de coloris. Attention à l’intensité de l’éclairage, le mieux est qu’il vienne au-dessus de votre toile pour éviter les ombres. Ça permet de dessiner et de peindre en ayant une vision juste des teintes et contrastes.
Certains passages de pinceaux demandent une main délicate, parfois des gestes ronds, d’autres une force animale, des tracés à l’emporte-pièce. N’oubliez pas de mettre du relief, incorporer des nuances dans les tons trop uniformes selon votre intention, et surtout, surtout, jeter votre émotion sur la toile, tout à coup l’étincelle de la création jaillit, sublime à vivre… »
La jeune femme silencieuse et timide le remercie, elle n’a pas tout compris, mais elle sent que cet homme la conduira sur une voie inexplorée d’elle- même…Elle voudrait représenter une scène de rue ou de bal ou de repas, elle cherche dans les livres de peinture un modèle pour s’inspirer. Elle n’a pas encore conscience que se posera une question fondamentale : pourquoi peindre ? Pour des raisons confidentielles, pour partager, les deux ? »
Animaloïdes : robot qui ressemble à un animal.
Claudine
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