Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier 4 - 2021 - sujet 3

 

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« Rencontre »

 

"La première chose que je vis d'elle fut sa cheville,  délicate, nerveuse, qu'enserrait la bride d'une sandale bleue.

Elle descendait avec précaution le sentier côtier tortueux qui mène à la crique du couchant. J’étais assis sur un rocher battu par la marée montante et je m’amusais à attraper l’écume à chaque rafale de vagues

Je la regardais en me demandant à quel moment elle allait tomber, je ne la connaissais pas. Elle s’aventurait sur un terrain instable, l’imprudente ! Elle semblait ignorer que la rocaille moussue est un piège pour les pieds novices.

Contre toute attente, elle réussit à descendre jusqu’à la plage, ôta ses sandales et marcha sur la plage d’un pas lent un peu dansant sans me prêter aucune attention.

Elle portait un short noir et une chemisette blousante écrue, je remarquais ses jambes rondes, ses épaules et ses bras aux muscles fins.

Elle n’avait pas du tout le genre des personnes que j’avais l’habitude de voir ici, garçons et filles qui venaient avec leurs planches pour surfer. Quand ils enfilaient leurs combinaisons et surtout quand ils les enlevaient, je riais parfois, car ils se mettaient à deux pour s’extraire de cette deuxième peau, surtout l’hiver.

Malgré ces pensées, je n’avais cessé d’observer l’inconnue. Elle s’était installée sur une roche plate, assez loin de moi, elle avait accroché ses sandales à son sac. Ses pieds touchaient l’eau, elle agitait ses orteils qui faisaient clapoter des vaguelettes à cet endroit protégé du vent.

Au bout d’un moment elle ôta son short et sa chemisette, les fourra dans son sac et cala ce dernier à l’abri.

Elle se releva, tressa ses cheveux et entra dans l’eau. Elle portait un maillot de bain bleu vif, sans aucune fantaisie. Elle se mit à nager vers l’ile aux serpents. Elle nageait avec aisance et souplesse sans se presser. Elle semblait savourer chaque geste et moi aussi…

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J’eus envie de la rejoindre mais mon extrême timidité m’en empêcha. Je restais fixé sur mon rocher comme une moule. La mer avait atteint son maximum et me léchait les pieds.  Elle s’était adoucie, lisse et bleue.

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Il était midi.

Je devais rentrer. Le repas du dimanche était sacré.

Je quittais à regret ce lieu plein de promesses. Je remontais le sentier presque en courant et je rejoignis la table familiale. Je n’avais pas faim. Je rongeais mon frein, imbécile que j’étais de n’avoir aucune idée de qui était cette fille alors qu’il aurait été si facile de l’aborder. Juste m’aventurer de quelques mètres vers elle. L’attendre et quand elle serait sortie de l’eau simplement lui dire « Bonjour » et quelques banalités.

Je m’apprêtais à passer un après-midi mortel d’ennui quand le téléphone sonna.

Mon père était sauveteur en mer et médecin, on l’appelait assez souvent.

Il partit précipitamment en nous disant qu’il devait urgemment se rendre à l’ile aux serpents où une jeune fille avait perdu connaissance.

J’eus une envie folle de me joindre à lui mais j’étais indésirable dans ce genre d’opération. Je dis juste que je l’avais vue et qu’elle semblait une vraie nageuse.

Les heures qui suivirent me semblèrent plus longues que la pire des journées au Lycée que je détestais.

Je tournais en rond dans ma chambre, non seulement je n’avais pas abordé cette fille, mais en plus, je l’avais laissée seule et si elle mourrait, j’en porterai une lourde responsabilité. Je me traitais de triple buse.

Vers 18h mon père rentra. « Aucun drame » nous dit-il juste une crise de spasmophilie. La jeune fille avait eu très peur cependant. Il l’avait ramenée chez elle, ou plutôt à la villa des Goélands où elle séjournait avec ses parents pour quelques semaines.

J’étais fou de joie, j’allais la revoir.

Le lendemain je trainais en vélo vers la villa.

Sur le rebord d’une fenêtre j’aperçus les sandales bleues.

Je pris alors mon courage à deux mains et sonnai à la porte.

Elle apparut. Elle portait un short rouge, un chemisier fleuri et des sandales blanches. Elle était surprise mais pas tant que ça.

Je lui demandai de ses nouvelles, tout heureux de pouvoir expliquer que mon père étant médecin etc.et que l’ayant vu nager et ceci et cela, je m’étais inquiété de sa santé… j’avais tous les prétextes pour engager la conversation.

Elle me répondit avec beaucoup de douceur et je gagnais une invitation à me promener dans le parc avec elle et à partager sa collation. Elle s’appelait « Marine », quelle ironie du sort !

Quel bonheur !

Je me rappelai que j’avais lu récemment cette phrase :

"Chercher le bonheur dans cette vie, c'est là le véritable esprit de rébellion »

 

Je commençai à partir de ce jour à casser mes chaines, à oser, à me rebeller contre celui qui m’habitait, que je connaissais peu mais qui me connaissait bien et m’avait jusqu’à présent cloué au sol comme un oiseau captif alors que je ne demandais qu’à déployer mes ailes d’amoureux.

Ce soir-là, je rentrai chez moi totalement séduit. Je chantai à tue-tête sur mon vélo sachant que nous avions rendez-vous à la crique du couchant dès le lendemain.

Marine allait devenir mon ange gardien, ma force de vie, ma porteuse de lumière…c’était sûr !

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Clohe



18/03/2021
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