Atelier 2 - 2023 - sujet 5 Lipogramme sans i
Dans un bourg…
Dans le bourg perdu d’un département du sud de la France, dans les années 1950, le jour se lève.
Les éboueurs ont ramassé toutes les poubelles, et se refont une santé au café de la place.
Sept heures sonnent au clocher, le curé sort de sa cure, après sa seconde messe. Sa soutane danse allègrement autour de ses chaussures sombres. Ses rendez-vous du jour sont réservés aux personnes âgées murées dans leur demeure, sans personnel. Sa présence auprès des malades est programmée plutôt après les vêpres. Ce curé est d’un grand dévouement et répand beaucoup de réconfort autour de sa personne.
Doucement, les nuages poussés par le vent entourent des lambeaux roses et jaunes annonçant une journée douce et agréable. Phébus va honorer la journée de sa douce chaleur. De suaves chants s’échappant des arbres proches montrant que la nature a conservé toute son ardeur. Quelques chats rodeurs nocturnes regagnent la gamelle de croquettes comme convenu.
C’est superbe.
Les enfants se rendent à l’école en bavardant, semant un beau brouhaha dans les rues encore assez calmes.
Le boulanger debout dès l’aurore, prend un peu de repos sur le pas de sa porte. Ses grosses paluches posées sur son ventre généreux sursautent à la faveur de ses saluts ponctuels. Sa toque recouvrant son crâne chauve, ses bras musclés et velus sortant de son marcel saupoudré de blanc, confèrent à cette scène un caractère pagnolesque. Sa fournée du jour embaume toute la rue, et les mamans revenant de l’école, font une halte gourmande avant de regagner leur demeure.
Trop tôt levé, le bonnet enfoncé à la hâte sur ses cheveux tout fous, les yeux encore embués par les restes du jour d’avant, le marchand de journaux ambulant, vend ses canards aux passants pressés. Les volets claquent.
Dans les étages, les ménagères secouent d’un geste sûr les draps et couvertures pour les aérer. Au rez-de-chaussée, les personnes âgées sortent des potées de fleurs pour donner de la couleur à la rue, et les déposent avec douceur sur le rebord de leur fenêtre.
La voute céleste dorénavant d’un azur sans tâche offre à la canopée de la place communale un décor en accord avec les jeunes pousses.
La journée s’annonce belle.
Le vent s’est calmé.
Les employés communaux rendent aux rues leur aspect propret et agréable à regarder. Les marchands ouvrent en grand leur étal, déballant les cageots de légumes colorés, carottes, navets, pommes de terre, bons légumes du jour, et font des montagnes de pommes, d’orange et autres agrumes.
D’un pas assuré, lourdement chargé par sa sacoche de lettres ou factures, la tête cachée sous sa casquette, sa moustache savamment brossée, le facteur déambule entre les passants de plus en plus nombreux, s’arrêtant ponctuellement pour remettre les messages tant attendus.
Le laveur de carreaux, armé de son escabeau, passe d’échoppe en échoppe pour effacer les traces nocturnes et redonner clarté aux devantures.
Neuf heures sonnent, tout est en place.
Une grand-mère, sobrement et sombrement vêtue, chaussée de sabots en caoutchouc, les cheveux cachés sous un châle à carreaux, pousse une lourde brouette chargée d’un baquet en fer blanc débordant de la tournée de draps fumants, qu’elle va laver et brosser au bord du fleuve.
La journée démarre, tout est réglé comme une horloge, les gens s’appellent, se saluent avec beaucoup de naturel et tout là-haut, entre les branches des arbres ancestraux, une superbe lueur dorée caresse les jeunes pousses vertes de l’année.
Très belle journée à vous tous.
Shunt
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