Atelier 17 - 2021 - sujets 4 et 5 Le fennec et l'enfant
Il était une fois un enfant qui n’avait pas froid ; il n’avait pas chaud non plus ; il était bien, heureux.
Il avait fait abstraction de tout ce qui pouvait distiller problèmes et soucis sur cette terre où la race humaine menait le monde. Il avait pour fidèle compagnon un renard aux grandes oreilles, un fennec je crois, qui aimait par dessus tout se pelotonner contre lui, lui délivrant ses ondes positives et faisant de sa vie une élucubration jubilatoire.
Avec lui il parcourait le monde, ne craignant pas de s’égarer.
Tantôt il pratiquait l’escalade des dunes du Sahara, puis les monts arides de la Pampa, les falaises d’Etretat, le Mont Blanc enneigé, tantôt il voguait avec passion sur les gigantesques étendues d’eau des océans, son fidèle compagnon accroché à lui. Toujours fier, heureux, invincible, ignorant le monde auquel il appartenait, il parcourait la planète.
Un matin alors que le soleil s’enflammait à l’horizon, laissant planer des langues rougeoyantes qui léchaient la coque de son petit bateau, une sirène aux yeux verts et cheveux d’or lança un cri puissant et lancinant, qui n’avait rien à voir avec le chant mélodieux qu’on leur attribue, et elle s’accrocha au bastingage.
La pauvre sirène était enrhumée, peut être même était-elle atteinte d’une certaine maladie qui court le monde en ce moment et perturbe tout l’univers.
Voyant la fourrure splendide du renard elle aurait bien voulu qu’il s’enroula autour de son cou pour la réchauffer. Mais que nenni ! Le fennec, selon son engagement initial, voulait protéger son ami et n’avait nulle intention de succomber à son tour au chant virulent de la sirène. Désespérée, elle regardait les albatros tournoyant dans les cieux accédant avec grâce à une élévation céleste. Mais ses gémissements à défaut de les attirer, les éloignaient de la beauté marine.
Ne pouvant espérer une aide du coté du petit homme et de son ami ni des albatros aux grandes ailes, la sirène au corps frétillant de beauté et de fièvre, dans un grand bruit de nageoire caudale, frappa de toutes ses forces le flanc de la barque qui se coupa en deux morceaux telle une coquille de noix trop mure débarrassée de sa bogue de brou teintée.
Accroché aux débris de l’épave, l’enfant accolé à son renard, n’en menait pas large. Pour la première fois il doutait de sa superbe et ne parvenait pas à comprendre la réaction de la sirène qui toussant et frissonnant s’éloignait des naufragés, dangereusement arrimés à l’épave.
L’angoisse grandissait dans l’esprit de l’enfant roi, qui tout à coup se demanda si la vie heureuse et jouissive qu’il menait jusqu’alors dans l’indifférence totale de la vie d’autrui, ne recevait pas là une sorte de sévère avertissement.
Un cargo passant par là secourut l’enfant et son fennec, les déposa sur une île déserte et poursuivit sa route maritime. Epuisés, les deux rescapés s’endormirent profondément.
Lorsque la lune vint éclairer le sable blanc de la plage inconnue, couchée sur une natte de feuilles de palmiers, une belle et jolie sirène, regardait amusée le duo enlacé, formulant des vœux pour que ces deux lascars comprennent que dans la vie point de salut sans fraternité.
A suivre
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