Atelier 12 - 2023 - Sujet 1
Elle choisissait avec soin sa destination de vacances, la plage avait toujours eu sa préférence. Cette année ce serait Villeneuve-lés-Maguelone elle avait envie de découvrir la plage du Pilou.
Elle posa sa vieille valise en cuir rouge sur une chaise prés de son lit. Les traces d’auto-collant arrachés sur le dessus du bagage témoignaient de sa volonté d’effacer, de gommer les souvenirs de vacances ratées, «de ma vie ratée songeait-elle. »
Ensuite elle sortait les petites clés des serrures dorées du tiroir ou elle les rangeait, et dans un geste rageur faisait claquer le dispositif d’ouverture. Commençait alors dans une organisation rigoureuse l’emplissage de la valise.
Elle étalait ses chagrins d’amour tout au fond au plus prés des armatures et pressait de toutes ses forces pour briser toute velléité d’évasion de leurs part, mais également pour laisser un espace non négligeable à ses futures afflictions.
Au dessus des peines de cœur elle déployait ce quelle considérait comme les autres échecs de sa vie, il y avait là pèle-mêle son physique ingrat qu'elle décrivait ainsi : un visage rond, bouffi, soutenu par un cou massif, un teint cireux.
Un corps quand à lui courtaud, des seins trop lourds, des fesses puissantes, ses jambes, bon passe encore mais ses pieds ! Elle les dissimulait la plus part des temps dans des chaussures fermées.
Le maillot qu’elle avait choisi cette année masquerait tout ces défauts espérait- elle, et quand bien même ! Elle ne ferait aucune concession à la baignade quotidienne dut-elle ravaler sa honte.
Venait ensuite la répartition dans la valise en part égale des humiliations petites ou grandes, d’un amour étouffant (celui de sa mère), d’amitiés trahies, de confiances abusées et pour terminer elle rangeait les rêves brisés et ils étaient nombreux…
À la fois épuisée et soulagée par l’ordonnancement de ses morceaux de vie, elle ferma la valise sans ménagement et poussa la porte de sa chambre, elle saisit un sac à dos dans le hall et y fourra à la hâte quelques vêtements légers, son maillot une pièce et une serviette de bain.
Le taxi était à l’heure, elle fut en avance à la gare et s’installa dans le wagon de tête à la place 18 qu'elle avait réservée, les pans de son existence dans la valise rouge à coté d’elle et le sac à dos à ses pieds ;
Le voyage fut rapide et inintéressant, elle arriva à 17h à Villeneuve et déposa ses bagages à l’hôtel de la plage.
Elle plaça la valise rouge prés de son lit sur une chaise, se rafraichit et jeta un coup d’œil par la fenêtre de sa chambre, elle avait vu sur la mer, et avisa une boutique-bazar comme il y a tant dans nos villes côtières.
Sur le devant ont pouvait voir dans un joyeux boxon : des bouées colorées, des filets de pêche, des ballons, des serviettes bigarrées, des coquillages made in china, des pelles, des seaux et autres cerfs volant en plastique. Elle aperçu dans le renfoncement du magasin un présentoir de cartes postales, elle n’avait pas d’amis, mais faisait parvenir chaque année une de ces petites cartes de correspondance à la concierge qui prenait soin de sa chatte Tristesse.
Ce qui se passa ensuite relève de mon point de vue du miracle, elle sortit de son sac une robe élégante d’un transparent délicieux, la passa devant le miroir. Elle fit bien une petite mou en se regardant mais poursuivit on ne sait pourquoi par une retouche de son rouge à lèvres, et enfin peigna soigneusement ses cheveux. Elle termina quand même en se tirant la langue devant la glace mais, cette fois elle vit poindre un demi-sourire au coin de sa bouche.
Elle quitta la chambre et arriva essoufflée devant l’échoppe qui allait fermer, elle choisit à la hâte un carte rectangulaire sur fond de plage émeraude et de nuages mousseux couleur de lait, à l’avant sur un fil tendu deux photos et une étoile de mer suspendu à une pince à linge, dessous, tout prés de la vague mourante à l’encre rouge était écrit BONNES VACANCES A TOUS. Elle s’approcha du comptoir et tendit son acquisition au jeune homme derrière la caisse. Quand elle leva les yeux il lui décocha le plus beau sourire quelle avait vu de sa vie.
On raconte que la valise rouge fut jeté dans les flots au large de Villeneuve, chagrins d’amour, échecs, physique ingrat, humiliations, trahisons, rêves brisés, mêmes les chaussures fermées furent engloutis dans les flots.
Louise racheta une valise verte cette fois, elle y rangea avec une douceur extrême des sourires, des délices, de la sensualité, de l’amour, de la douceur, de la tendresse, de la paix, des rêves brillants, des soirs parfumés à la fleur d’oranger, des musiques célestes et toutes les composantes d’un bonheur inaltérable. Elle garda sur elle les deux petites clés de la valise et ne manqua pas d’en fortifier, d’en renforcer le contenu chaque fois quelle sentait grandir l’amour de François
Ivoleine
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