Atelier 19 – 2019 – 1er sujet :
Le Miroir d'Amour
Quand donc cesserait la spirale infernale du malheur ? Penchée sur le miroir qu’elle venait de recevoir pour ses fiançailles, elle s’interrogeait…
Enfant, elle avait longtemps rêvé d’être grande pour fuir la tyrannie et la brutalité verbale de ses parents. A vingt ans, dans quelques mois, elle sentait les portes de sa prison dorée se refermer inexorablement sur elle.
Ses parents ne lui avaient rien dit de leurs funestes projets, mais ils avaient sélectionné un futur mari qui en l’épousant viendrait agrandir le patrimoine familial. Voilà ce qu’elle était pour eux… Un retour sur investissement !
Certes, elle avait toujours eu les plus beaux atours, les plus jolies coiffures, les meilleurs professeurs. Toute cette éducation avait contribué à faire d’elle une jeune fille du monde. La fortune familiale avait suscité bien des convoitises. Elle avait vu passer moult prétendants, mais aucun de ceux-là n’avait réussi à toucher son cœur. Chacun d’eux avait laissé en repartant un présent à lui remettre ainsi qu’un court message.
Après avoir tout lu, ses parents avaient sélectionné celui qui correspondait le mieux à leurs exigences.
Ce matin, un livreur avait déposé un nouveau paquet, sans aucun mot d’accompagnement. Son père, ayant choisi celui qui devait être son époux, en avait déduit que le présent ne pouvait venir que de lui et avait donc remis le paquet à sa fille. En quittant sa chambre, d’un ton ironique, il avait ajouté :
« Mire-toi en ce miroir
En future mariée
Tu feras ton devoir
Et seras libérée .»
Elle avait eu l’envie folle de hurler et de gifler la face rubiconde de son père. Avant de fermer la porte, il lui avait ordonné de passer sa robe tissée de fils d’or. Lasse et désespérée, elle avait pris son miroir et avait vu le reflet de son âme brisée. Son cœur était si lourd, elle avait le sentiment qu’il ne demandait qu’à jaillir de sa poitrine.
« Si seulement, je pouvais fuir ce mariage sans amour… »
A peine avait-elle murmuré le mot « Amour » que tout s’était brouillé autour d’elle. Les murs n’existaient plus, elle était au cœur d’un nuage bleuté où scintillaient de nombreuses étoiles
- Où suis-je ?
- Tu es au début du chemin, répondit une voix bienveillante.
- A début du chemin !
- Oui, c’est l’heure de tous les possibles… Que désires-tu vraiment ?
- Je…
- Attends ! Ne réponds pas trop vite ! Réfléchis bien avant de me répondre. Où te vois-tu dans un an, dans dix ans, plus âgée ? Ta réponse sera définitive.
Troublée, la jeune femme pense qu’en réalité elle a dû s’endormir et qu’elle rêve. Après tout se dit-elle, si c’est un rêve autant me le faire beau. Qu’est-ce que je veux vraiment ? Elle plonge alors son regard dans le miroir et là, soudain apparaît le beau visage d’un jeune homme qui lui sourit.
Elle approche sa main du visage qui l’observe à présent avec sérieux et soudain, il lui tend une main à travers le miroir. Elle s’en saisit et le temps s’accélère. Elle se voit un an plus tard avec un ventre rebondit, elle découvre des pays qu’elle n’a jamais vu. A nouveau le temps file entre ses doigts et elle se voit dix ans plus tard. Son compagnon lui sourit, il tient la main d’un jeune garçon et elle celles de deux jolies petites blondes qui lui ressemblent. Ils se dirigent ensemble vers une maisonnette entourée de fleurs de fruits et de beaux légumes. Près de là, elle aperçoit une forêt où passent de animaux. La faune et la flore sont généreuses à cet endroit.
A nouveau le temps s’est accéléré et là voici avec son mari, des années plus tard. Leurs cheveux ont blanchi. Ils sont à bord d’une barque avec cinq jeunes enfants qui les appellent papy et mamy. Elle se voit quitter la barque avec eux et rejoindre sa cuisine. Puis les petits et elle se mettent à éplucher des pommes et des poires et les voilà au-dessus des marmites de cuivre où cuisent les confitures. Le miroir s’est troublé et la voici à nouveau dans sa chambre, le visage baigné de larmes.
« C’est cela que je veux ! Ce que je viens de voir dans ce miroir, ce bonheur tout simple avec un homme qui m’aime et des enfants que nous aimerons à notre tour. »
A peine a-t-elle dit le dernier mot que le miroir disparaît. Le jeune homme aperçu dans le miroir est là, devant elle. Il lui tend sa main.
- Viens avec moi, quitte ce lieu sans amour !
Il touche du bout du doigt le mur qui s’efface. Derrière, au lieu du vide qui donne sur les douves, il y a un chemin forestier. Elle le regarde et se lève.
Attends-moi, lui dit-elle.
Elle s’installe à son bureau et écris une lettre pour ces parents.
« Adieu ! Vous n’avez pas su m’aimer et vous avez rejeté tout l’amour que je rêvais de vous offrir. A la place, vous avez voulu m’imposer vos choix. Je pars avec celui que j’ai choisi. Je vous pardonne tout le mal que vous m’avez fait. Soyez en paix ! »
Quand elle a fini, elle se lève et va vers celui qui a gagné son cœur sans dire grand-chose. Ensemble ils traversent le mur. Quand elle se retourne le château familial a disparu. Elle est devant la jolie maisonnette du miroir.
- Qui es-tu ?
- Est-ce important ?
- Je l’ignore, mais j’aimerais savoir.
- Je suis l’amour que tu appelais depuis si longtemps. Moi aussi j’ai reçu un miroir et je t’y ai vue. J’ai été touché par ta tristesse et par la cruauté de tes parents, alors j’ai fait le vœu de dessiner des sourires sur ton joli visage et je me suis retrouvé dans ta chambre.
- D’où peuvent-ils venir ces miroirs ?
- Je l’ignore, mais ils répondent visiblement au manque d’amour.
Et c’est ainsi que nos deux tourtereaux se marièrent et eurent non pas trois, mais quatre jolis enfants. Deux garçons et deux filles, qui à leur tour des années plus tard leur firent de merveilleux petits enfants et vous savez quoi…
Dans cette famille, quand les enfants avaient été bien sages, les parents leur racontaient l’histoire des miroirs d’amour pour les endormir sur de jolis rêves.
Maridan 31/10/2019
Suite de l'histoire ici : https://www.maridan-gyres.com/atelier-19-2019-2eme-sujet
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