Atelier 6 - 2022 - sujet 2
Les tempes qui battent, des voix qui se mélangent à mes rêves, l'insupportable cacophonie de la gueule de bois, une envie lasse de ne rien faire et de continuer ma douce agonie au fond de ces draps à l'odeur inhabituelle. Mais mes sens me rappellent à mon existence et je laisse l’ouïe et le toucher savourer la vie, savourer un réveil malgré tout étrange. Une odeur de cuisine m'emplit les narines, pas ce que je préfère au réveil, et un goût métallique vient heurter mon palais. Je laisse mes yeux s’habituer à la semi pénombre de ce lieu étrange et étranger. Des figures saintes sur des panneaux en bois, drapés de lumière et d'or tous tournés vers leur seigneur qui me surveille depuis sa croix.
Personne à mes côtés, ça ne change pas beaucoup de d'habitude, mais je ne suis manifestement pas chez moi et je ne sais pas où je suis, je n'ai aucune idée d'où je suis, je me rappelle vaguement d'une soirée, une énième beuverie avec les copains, un pas dans le cercle de la soif et une longue marche vers l'altération de conscience, les rires, les sourires, le dédain des jeunes femmes. Je m'en souviendrais si l'une d'elle m'avait accordé ses faveurs et sa couche.
Mes affaires sont là, propres et pliées, d'une douce odeur de fraîcheur, similaire à celle du lit, je m'habille et je sors. Un long couloir devant moi avec quelques portes de chaque côté, je décide de me laisser conduire vers les bruits de cuisine et les voix, j'y trouverai peut être quelques réponses.
Une fois dans la cuisine, mon regard est immédiatement attiré vers une superbe rousse, elle m’accueille avec un large sourire.
Absorbé par sa beauté, je sursaute comme un idiot lorsque je vois une vieille femme assise dans un coin de la pièce, ma réaction les fait rire toutes les deux. Je reviens un instant sur la jeune femme, elle a une allure magnifique, des yeux bleus glacés au dessus d'un nez fin entouré d'une constellation de tâches de rousseur, elle à les formes avantageuses de ces pin-up des années 50, de jolies hanches et une poitrine à déconcentrer un évêque.
Définitivement, une nuit avec elle aurait passé toutes les brumes d'alcool pour se graver à jamais dans ma mémoire.
J'entends de nouveau les voix qui se diluaient dans mes rêves, elles se mettent à parler dans une langue que je ne comprend pas, mais elles semblent en profond désaccord, elles me pointent du doigt à tour de rôle et la plus jeune essaie de me rassurer avec des gestes d'apaisement et des sourires. Bah ! Qu'est ce qui pourrait bien m'arriver ? Je suis dans une maison que je ne connais pas avec des gens que je ne connais pas qui parlent dans une langue que je ne connais pas.
La rousse semble avoir pris le dessus dans le débat, la vieille femme quitte sa chaise avec un geste de lassitude et sort de la pièce en me lançant un regard noir et vif.
Nous voilà seuls dans la cuisine, situation idéale me direz vous si ce n'est la barrière de la langue.
Commence entre elle et moi un ballet désaccordé, ou chacun essaie de comprendre l'autre à travers gestes et autres moyens pré-linguistiques de communication, après plusieurs tentatives infructueuses de questionnement de ma part, je décide de me taire, de la regarder et de l'écouter. A force d'écoute, je perçois au travers des r roulants et des voyelles claquantes une langue slave, je comprends à travers ses gestes et ses mots qu'elle s'appelle Anastasia. Nos langues étant de trop
lointains parents, je ne distingue pas plus, mais à plusieurs reprises, elle agite son doigt entre elle et moi et finit par pointer la photo d'un type inquiétant à la barbe hirsute, je l'ai déjà vu quelque part.
Bien que je sois ravi d'en connaître un peu plus sur elle, je n'ai toujours aucune idée de la raison de ma foutue présence ici, et je ne sais toujours pas où je suis.
C'est à ce moment là qu'un type entre dans la pièce, un grand gars au physique d’ascète et au regard magnétique. Il entame calmement quelques mots avec Anastasia et se tourne vers moi.
- Tu t'es bien reposé ? Sa voix est gutturale et il a un accent à couper au couteau. L'inquiétude au sujet de ma présence redescend doucement, enfin quelqu'un qui parle ma langue ! Plutôt oui, mais je sais toujours pas où je suis, ni ce que je fais là.
- On en discutera plus tard, ta soeur nous a fait un excellent repas, il est temps d'y faire honneur. Mais après il y a beaucoup de travail pour aller chercher le reste de tes frères et soeurs. Les descendants de Ras sont un peu éparpillés, mais je suis content qu'ils se soient un peu amusés en France.
Sa seule réaction à ma face interloquée fut un petit rire sardonique et il ajouta d'un air sérieux :
- Il est temps que les enfants de Raspoutine, grand sorcier d' Orient, soient rassemblés et que sa volonté soit accomplie.
Arthur
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