Maridan-Gyres

Un type lugubre venait d'entrer dans le sous sol dégueulasse, crâne rasé, maigre, avec de grandes lunettes carrées qui ne reflétaient que la lumière du néon.
Il s'adressa à Tony d'une voix grave et calme :

"Tu sais qui je suis ?"

Malgré le sang qui dévalait ses arcades et le mal de tête qui lui pilonnait le cerveau, il avait assez de lucidité pour reconnaître son interlocuteur. Il y avait un type qui bossait exclusivement pour les arméniens, un type qui aurait fait chanter un nazi en yiddish, on l'appelait sobrement « le cuisinier », de ce qu'il avait entendu, ça ressemblait pas mal au gus devant lui..

" Bien sûr que tu sais, ça m’embêterait de pas avoir une petite notoriété vu le nombre de taiseux et de muets à qui j'ai miraculeusement rendu la parole."
" Ouais, ça doit être pratique, je me dis qu'à un moment, on à plus grand chose à faire, le gars balance père et mère, mais j'avoue que je vois pas bien ce que je pourrais avoir à vous dire."

" Pour un type qui vient de se faire arnaquer, t'es moins con que t'en as l'air. Mais c'est pas grave si t'as rien à me dire, mon petit Tony, je vais engager la conversation et n'hésites pas à intervenir si je me plante. Ce que je sais de toi, c'est que t'es une raclure de bitume comme j'en ai croisé des dizaines, depuis ta naissance, tu as été baladé de droite à gauche, de famille d’accueil en foyers pourris, évidemment l'école a pas vraiment su faire un élève décent de ta personne donc tu t'es engagé sur le chemin de la connerie comme tous les mômes dans ton cas, on peut pas dire que tu sois un modèle d'originalité. Après ça tu as passé ton adolescence à alterner entre brigade de pieds nickelés et équipe de bras cassés pour finalement essayer de t'en sortir et te faire un nom dans la boxe, ça a duré quoi... 5,6 ans avant que tu abandonnes... Et finalement te revoilà à traîner tes guêtres dans les rues de Paris à la recherche d'une équipe prête à t'embaucher pour compléter ton CV de truand
raté. Mais ce brillant futur à été stoppé net le jour ou la première arpenteuse de pavés t'a souri, elle t'a fait monter à l’œil, elle t'a parlé de la dureté de sa vie, et comme elle avait enfin son pigeon royal pour le coup qu'elle préparait, elle a vendu le scénario de Bonnie and Clyde avec en prime un magot dans le coffre, de quoi devenir gros et insouciant jusqu'à la fin de ta misérable vie..."

A mesure que le cuisinier remuait le couteau dans ses tripes, Tony se sentait partagé entre une furieuse envie de l'encastrer dans le mur et une aussi grosse envie de chialer de regret, de rage de s'être encore une fois fait entuber par cette vie..

"Le truc, c'est que pour Esme, il n'y a que Bonnie qui s'en sort et c'est elle qui garde le magot tandis que le roucoulant se fait plumer sur le lieu du braquage. On peut pas dire qu'elle manque de résilience cette petite, jusqu'à aujourd'hui son plan fonctionne à merveille, mais t’inquiètes pas on va la retrouver un jour ou l'autre. Mais revenons à toi, je vais pas y aller par 4 chemins parce que tes choix sont très limités mon petit Tony, soit tu apprends très vite à conjuguer le verbe balancer, soit je vais remplacer mes pions par tes orteils lors de ma prochaine partie d'échec avec le patron, je l'ai fait une fois, il à adoré.
Une fois de plus, Tony se rendait compte qu'il n'y avait que la violence de gratuite dans ce milieu, il avait entendu tellement de trucs horribles sur ce type qu'il se voyait mal résister à un trifouillage de ses tripes juste pour l'autre salope.
Vous vous doutez bien qu'elle m'a pas vraiment laissé de contact, elle m'a entubé dans les grandes largeurs et s'est tirée avec ma voiture et tout le trésor.

"Tu te doutes bien que je vais pas user mes vieilles articulations pour une info que je suis sûr de pas avoir, par contre les gars qui vous ont rencardés sur ce tripot et la trésorerie, ça m’intéresse beaucoup et dis toi bien que le nombre de phalanges que je te laisserai dépendra de la qualité de ton histoire.

Arthur