Maridan-Gyres

Que voyez-vous ?

Moi j’y ai vu un rêve, un rêve merveilleux. J’ai regardé le visage de cet homme, un beau visage, lumineux, ouvert. Mais n’était-ce pas seulement ce que je voulais y voir ?

 Certes le visage est engageant, le sourire vrai, pas calculé, et la jeune fille est prête à l’aider, cela se voit dans la façon dont elle lui parle. Ils sont beaux tous les deux, seuls au milieu de la foule qui passe sans leur prêter la moindre attention. Mais moi, ces deux-là m’ont arrêtée dans ma marche.

Cette façon qu’ils avaient de se regarder, je voulais laisser de l’argent à cet homme, mais leur échange était si magique que je n’ai pas osé les interrompre. Comme si le charme qui opérait à cet instant précis ne devait pas être interrompu. J’ai senti qu’il aurait été malvenu de m’en mêler.

Alors j’ai passé mon chemin, en me disant que je reviendrais plus tard et que je pourrais aider cet homme à mon tour.

Lorsque je suis revenue, il avait disparu. Alors me sont revenus les détails que j’avais relevés et qui m’avaient alertée. Ses mains étaient très sales, comme s’il n’avait pas trouvé où se les laver. J’ai pensé que c’était le signe qu’il devait vivre dans la rue. Le fait de ne pas l’avoir retrouvé m’a attristée. J’avais tellement envie de l’aider à mon tour. J’ai eu l’impression d’un acte manqué.

Et puis, il y avait son vélo posé près de lui. Et sur ce vélo, il y avait toute sa vie. Son parapluie, sa gamelle, ses vêtements et là j’ai retrouvé le sourire.

Non ce n’était pas un SDF, c’était un homme libre qui avait voulu échapper au système et qui avait trouvé le courage de sa volonté. Soudain la journée m’a semblé plus lumineuse, et mon cœur s’est gonflé de joie. Et vous ? Qu’auriez-vous vu ?