Le premier jour de ma nouvelle vie.
Promenade avec mon chien. Ce matin, je me suis prise en main. Facile dites-vous ! Détrompez-vous ! Rien de facile à ce geste anodin. Première étape se lever. Aïe ! Pas évident quand tout mon corps soupire avec l’envie furieuse de rester couchée. Allons, bouge-toi mémé. Avec force, je finis par m’extraire de ce lit qui me tient si bien prisonnière. Après une douche rapide, je m’attèle à une demi-heure de repassage. Bof ! Pas terrible comme début de journée. Puis, descente au petit déjeuner.
Mon thé Earl Grey, deux tartines avec du fromage de chèvre frais, un kiwi, et me voilà parée à bouger. Je prends la laisse de mon chien, mon podomètre pour contrôler mon effort, il va me falloir mesurer mes efforts pour bouger ce corps qui s’ankylose. Vasco a tout de suite compris, il gémit de joie, me montrant combien nos sorties lui ont manqué. Pas besoin de lui parler d’aller en promenade, la laisse et le collier lui ont tout dit bien mieux que n’importe quels mots que j’aurais pu prononcer.
Il connaît mes douleurs. Alors en bon garçon, il se laisse attacher docilement, va doucement jusqu’à la grille, attend que j’ouvre, et une fois la grille ouverte, reste sagement de l’autre côté, attendant que je referme. Je lui en suis reconnaissante. Quelle brave bête, les mots sont inutiles entre nous, il comprend toujours tout ! Parfois, même avant moi.
Immédiatement, il reprend le chemin de nos anciennes promenades. Au virage comme autrefois, j’ôte la chaîne et le libère. Mais il ne démarre pas en flèche comme avant. Avant la maladie. Non, il court sur cinq, six mètres, se retourne, me regarde, puis reviens lentement vers moi, chercher une caresse ou un encouragement. Après un gros câlin, je lui dis de foncer. Je le vois alors, prendre son élan et courir, enjamber le fossé, sauter d’un côté, puis de l’autre, et revenir ventre à terre vers moi, avec la langue pendante et des yeux remplis de bonheur.
Au bout de 2322 pas, mes jambes me poussent à m’asseoir à la table devant moi. Elle est située juste en face de l’étang de l’Arnel. J’adore cet endroit. Ce matin, le ciel est chargé de lourds nuages qui varient du gris clair au gris foncé. Un gros nuage sombre est en train de dévorer le ciel bleu. Vasco s’est figé, il observe le cycliste qui passe près de nous. Une fois passé, il revient se poster à mon côté. Ma maman ne bouge plus, alors moi non plus ! Quel merveilleux animal ! Il veille sur moi, sentinelle fidèle. Une fois encore, je le pousse à se balader dans ces herbes hautes qu’il aime tant.
La table où je m’installe est déserte à cette heure. Je sors mon cahier et un stylo du sac que j’ai pris soin d’emporter avec moi. Je n’ai pas oublié mon appareil photo, ami fidèle de mes errances villeneuvoises. Drôle de ballade se dit mon chien, voilà ma maîtresse qui se met à écrire. Mais que peut-elle bien noter sur sa feuille blanche ? Pas grand-chose mon toutou joli. J’écris le bruit du silence qui nous entoure. Ses nuances subtiles que j’avais presque oubliées à force de m’être enfermée entre mes quatre murs. J’entends les petits martins-pêcheurs qui plongent à cet instant précis pour attraper leur pitance. Je regarde les deux cols verts que je pensais loin d’ici, tant j’entends au loin, le bruit fracassant des chasseurs qui leur veulent du mal. Fuyez petits amis, disparaissez de ces lieux, les fauves sont lâchés. Et puis, il y a la jolie petite aigrette qui picore le dos de ce vieux cheval qui broute les trois brins d’herbe qui subsistent encore.
À notre approche, les oiseaux se sont dispersés, mais ils sont revenus. Mon dalmatien furète ici et là, à la recherche d’une proie avec laquelle jouer, ou d’une piste improbable. Il aime tous les animaux. Si bien que même les oiseaux ne le fuient pas. Il s’amuse dans les herbes qui lui chatouillent les flancs. Au loin subsiste le bruit de la circulation, comme une anomalie dans ce paysage désert. J’aime ce sentiment d’être seule au monde.
J’ai l’impression de faire corps avec la nature et la belle me le rend bien. Alors, après avoir posé quelques mots sur ma page, je m’élance à la poursuite de belles images. Une fois de plus, je déverrouille mes jambes et Vasco ravi reprend le chemin de la maison. Je suis affamée de cette solitude, elle me donne des forces, me régénère. Les épis des herbes folles me rappellent les blés de mon enfance et je les photographie avec bonheur. Mon joyeux compagnon a repris ses sauts au-dessus de la barrière de bois qui longe le chemin. Au loin j'aperçois le clocher de l'église, petite sentinelle qui me guide sur ce chemin.
Les volatiles qui s’étaient envolés à notre approche reviennent en masse. Ils ont compris que ni mon chien ni moi n’étions des prédateurs pour eux. J’ai le plaisir de voir une poule faisane passer juste à côté de moi, elle court très vite et part se cacher dans les grands épis d’herbe folle. Manque de chance, j’ai déjà rangé mon appareil photo.
Finalement, ces oiseaux ne sont pas sots. Ils sont venus ici parce qu’à cet endroit la chasse est interdite. J’ai l’impression merveilleuse d’être à ma place et cela fait des mois que je n’avais pas ressenti ce sentiment.
Rassasiée de grand air, de belles images dans l’appareil, et dans ma tête, me voilà reprenant le chemin du retour.
Vasco a compris que la ballade était sur le point de s’achever. Gentiment, il est venu à ma rencontre, juste avant de retrouver la piste goudronnée, il s’est assis pour m’attendre. Je l’ai rattaché et jusqu’au bout, il a marché à mon pas, reconnaissant de cette jolie promenade. Je suis heureuse de cette première escapade. C’est promis mon toutou joli, il y en aura d’autres. Mon podomètre a rendu son verdict, petite promenade, 4565 pas et 2.28 kilomètres. Pas lourd pour l’ancienne marcheuse que j’étais, mais j’espère, petit à petit, reprendre un rythme de croisière.
Villeneuve les Maguelone, 16/12/2013 – 12 h 55
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