Le conflit - 23/10/13
Ce matin-là, il s’est rendu chez son médecin parce que depuis quelques jours, il ne se sent pas très en forme. Son copain, Marc, lui a dit tu devrais voir quelqu’un, ce n’est pas normal cette grosseur. Ce n’est peut-être qu’un kyste, mais j’aimerais mieux être rassuré. Alors Samuel est venu voir son médecin et ce matin, il va lui donner les résultats de son IRM.
Dès l’entrée dans le cabinet, il comprend que quelque chose d’inhabituel va arriver. Le médecin, un ami de longue date, ne l’accueille pas comme d’habitude avec le sourire. Son estomac se noue. Ce n’est rien, je ne vais tout de même pas me mettre martel en tête avant de savoir. Allez courage.
Salut Martin, alors cet IRM,
- Assieds-toi !
- Tu m’as l’air bien sérieux, c’est grave ?
- Pour l’instant, je n’en sais rien, mais on va pratiquer une biopsie !
- Une biopsie, mais pourquoi ?
- Tu as une grosseur assez importante sur le testicule, j’aimerais m’assurer qu’elle n’est pas cancéreuse.
- Attends, tu ne penses pas que j’ai un cancer tout de même ?
- Je n’ai pour l’instant aucune certitude, c’est pourquoi je préfère m’en assurer. Rendez-vous demain à jeun, je pratiquerai le prélèvement, nous en saurons plus, après.
Et voilà, cela n’a pas pris plus de dix minutes et ma tête menace d’exploser.
Cancer, le mot est lâché, que vais-je devenir, Marc est-il capable de continuer à m’aimer si je ne suis plus un homme.
Il se referme, soudain, il ne perçoit plus son avenir. Toutes ses facultés semblent fixées sur l’échéance du lendemain. C’est une vague de fond qui l’emporte et le laisse anéanti sur le pas de sa porte. Il n’ose plus entrer chez lui. Il sait que son compagnon est là, qui l’attend. Il ne veut pas voir sa propre peur, dans ses yeux à lui. Comment faire ?
Il prend sa clef dans sa poche, ouvre la porte. Marc comme chaque soir en rentrant du travail est à leur salle de sport, il sculpte son corps comme un artiste le fait avec la pierre. C’est ce qu’il aime chez lui, ce goût de l’effort pour être toujours plus beau. Lui, le gringalet, il est la tête de leur couple, Marc c’est le cœur. C’est aussi un hyper sensible, comment va-t-il réagir à la terrible nouvelle ? Je suis con pense-t-il, il n’y a pas encore de terrible nouvelle, je fabule.
Marc le voit s’approche, lui sourit et l’embrasse. Alors, que t’as dit le médecin ? Pas grand-chose, je dois faire une biopsie demain matin, on en saura un peu plus après.
- une biopsie ?
- oui
- pourquoi ?
- je l’ignore, Martin est inquiet, il en saura plus après
-
Il voit sur le visage de son amour, les mêmes angoisses que les siennes qui prennent racines Cette nuit va être longue. Blottis l’un contre l’autre, ils se parlent, échangent sur l’avenir, sur ce qu’ils feront après, quand ils sauront. C’est fou comme dans ces instants de terreur, on peut se focaliser sur l’après, oh ! Pas l’avenir, non, le juste après. On a tellement envie d’oublier, que la première idée, c’est partir, changer d’air, profiter. Mais profitez de quoi.
Marc a fini par s’endormir et il veille sur son sommeil avec envie. Partir, il voudrait que nous partions aux Maldives, puis finalement il lui a dit Punta Cana et n’a cessé d’en parler qu’après qu’il ait fait la réservation pour huit jours au Club Med. Incroyable, ce simple geste a eu le pouvoir de l’apaiser.
Mais pas lui. Il n’est guère croyant. Croire en qui ? A cet imbécile sur sa croix qui ouvrait la mer en deux, transformait l’eau en vin. Non, il ne peut croire à cela. Tout ce qui a fait sa vie jusqu’alors est en totale opposition avec ce qu’il ressent à cet instant précis.
Il hait, le fait d’être là à prier un Dieu auquel, il ne croit pas, pour que demain les résultats soient négatifs. Il s’y accroche avec un total désespoir en contradiction totale avec ses assertions des vingt dernières années. Il a toujours été un athée convaincu, comment la simple idée du cancer peut-elle avoir cet effet sur lui ?
Le voilà devenu grenouille de bénitier, et il se hait pour cette faiblesse. Et merde après tout, pourquoi pas ? Il veut bien prier Dieu et Diable si demain, Martin lui dit qu’il s’est fait du mauvais sang pour rien
.
Lui qui se croyait invincible, il s’aperçoit qu’il n’est pas grand-chose. Petite fourmi humaine qui avance et fait son ouvrage jour après jour. Mais la faucheuse est là, qui chaque jour vient faire ses provisions. Dégage salope, il s’emporte, il ne sera pas ton compagnon de voyage, « Laisse-moi tranquille et pars voir ailleurs si j’y suis. »
Quel âne ! Voilà qu’il parle tout seul à présent ! Est-ce cela les premiers symptômes du cancer, on devient neuneu ?
Rien ne l détourne de ses angoisses, et le sommeil qui résiste, qui ne veut plus de lui. La nuit ne finira-t-elle donc jamais ?
En attendant que le jour se lève, il se fait violence, à vrai dire non, cela lui vient naturellement, il prie. Il prie à en perdre la raison. Il supplie même. Laissez-le moi, laissez-le moi encore un peu. L’hymne à l’amour de Piaf, lui vient en tête, torturant un peu plus son âme. Jamais ses mots n’ont eu un tel sens pour lui. Cette femme avait ressenti toutes les douleurs de l’amour. Et à travers ces mots universels il perçoit sa propre terreur à l’idée de le perdre, de le laisser. Il s’aperçoit surpris et même désarçonné qu’il s’inquiète plus pour son compagnon que pour lui. Qu’est-ce donc que ce nouveau sentiment qui naît en lui ? Alors une fois encore, il prie et cette fois c’est pour eux deux. Le matin est arrivé, il est là. La lumière du soleil, filtre doucement à travers les lattes des volets mal jointes. Créant dans leur chambre un halo de lumière qui éclaire le visage de son amour. Il va lutter pour son ange. Il va sortir toutes ses armes et il va la battre. La camarde ne l’aura pas, il s’en fait la promesse et même si pour cela, il doit fréquenter les bancs des églises.
Maridan 23/10/2013
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