La sélection de Verpom
- Romain Gary, Les racines du ciel
La viande ! C'était l'aspiration la plus ancienne, la plus réelle, et la plus universelle de l'humanité. Il pensa à Morel et à ses éléphants et sourit amèrement. Pour l'homme blanc, l'éléphant avait été pendant longtemps uniquement de l'ivoire et pour l'homme noir, il était uniquement de la viande, la plus abondante quantité de viande qu'un coup heureux de sagaie empoisonnée pût lui procurer. L'idée de la "beauté" de l'éléphant, de la "noblesse" de l'éléphant, c'était une idée d'homme rassasié...
- Olivia Rosenthal, Que font les rennes après Noël?
Vous aimez les animaux. Ce livre raconte leur histoire et la vôtre. L'histoire d'une enfant qui croit que le traîneau du père Noël apporte les cadeaux et qui sera forcée un jour de ne plus y croire. Il faut grandir, il faut s'affranchir. C'est très difficile. C'est même impossible. Au fond, vous êtes exactement comme les animaux, tous ces animaux que nous emprisonnons, que nous élevons, que nous protégeons, que nous mangeons. Vous aussi, vous êtes emprisonnée, élevée, éduquée, protégée. Et ni les animaux ni vous ne savez comment faire pour vous émanciper. Pourtant il faudra bien trouver un moyen.
- Jean Christophe Rufin, Le collier rouge,
Dans une petite ville du Berry, écrasée par la chaleur de l'été, en 1919, un héros de la guerre est retenu prisonnier au fond d'une caserne déserte. Devant la porte, son chien tout cabossé aboie jour et nuit. Non loin de là, dans la campagne, une jeune femme usée par le travail de la terre, trop instruite cependant pour être une simple paysanne, attend et espère. Le juge qui arrive pour démêler cette affaire est un aristocrate dont la guerre a fait vaciller les principes. Trois personnages et, au milieu d'eux, un chien, qui détient la clef du drame... Plein de poésie et de vie, ce court récit, d'une fulgurante simplicité, est aussi un grand roman sur la fidélité. Etre loyal à ses amis, se battre pour ceux qu'on aime, est une qualité que nous partageons avec les bêtes. Le propre de l'être humain n'est-il pas d'aller au-delà et de pouvoir aussi reconnaître le frère en celui qui vous combat ?
- Alexandre Jollien, Le métier d'homme,
" Je suis un anormal. On l'a dit, assez. Je l'ai senti. Les mouvements des yeux qui passent à l'examen chaque parcelle de mon être me l'apprennent : tel regard fixe le mien puis descend, là précisément où se trouve la preuve qu'il recherche : "il est handicapé". Parcours des yeux, quête insistante du talon d'Achille, de la faiblesse. Ce que la plupart des gens perçoivent, c'est l'étrangeté des gestes, la lenteur des paroles, la démarche qui dérange. Ce qui se cache derrière, ils le méconnaissent. Spasmes, rictus, pertes d'équilibre, ils se retranchent derrière un jugement net et tranchant, sans appel : voici un débile. Difficile de changer cette première impression, douloureux de s'y voir réduit sans pouvoir s'expliquer. " A. J.
- Didier Van Cauwelaert, Un aller simple,
Aziz est Marseillais mais lors d'un accident de voiture qui voit périr ses parents alors qu'il n'est que bébé, le tzigane qui a causé l'accident décide de le recueillir.
Il faut alors lui donner une identité par de faux papiers. Le petit garçon devient Aziz le marocain qui n'a qu'une carte de séjour et c'est de là que vont commencer ses ennuis.
Les autorités françaises sont en pleine campagne de retour au pays des émigrés en situation irrégulière. Aziz, le "faux" marocain et tzigane d'adoption va devoir partir au Maroc, un pays qu'il ne connait pas et dont il ne sait rien même pas la langue. Il est escorté par un attaché humanitaire censé faciliter sa réintégration dans son pays d'origine auprès des siens.
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Si la leçon du roman(si tant qu'il en donne une) peut paraître banale (la vie dure est souvent plus satisfaisante et "vraie" que celle conforme aux normes, et de cette dernière on cherche souvent à s'échapper), il en est différemment du procédé pour la délivrer : car, heureusement, aucune jérémiade, aucune lamentation, aucune "morale" ne s'y mêle. C'est tout naturellement que la signification du livre émerge au fur et à mesure que l'on s'aventure dans sa lecture. S'il ne mérite pas cinq étoiles, à mon avis, c'est que la frontière entre le faux naïf et le brouillon est parfois très ténue et le roman ne semble pas toujours du bon coté de la barrière. En particulier, on se surprend à regretter un peu trop de sexe "facile" et un certain simplisme, voire de la hâte, dans la fin, qui laisse comme un goût d'inachevé par nécessité de conclure.
- Hélène Grémillon, Le confident,
Camille vient de perdre sa mère. Parmi les lettres de condoléances, elle découvre un étrange courrier, non signé. Elle croit d’abord à une erreur mais les lettres continuent d’arriver, tissant le roman de deux amours impossibles, de quatre destins brisés. Peu à peu, Camille comprend qu’elle n’est pas étrangère au terrible secret que cette correspondance renferme. Dans ce premier roman sur fond de Seconde Guerre mondiale, Hélène Grémillon mêle de main de maître récit historique et suspens psychologique. Le confident a obtenu cinq prix littéraires et été traduit en dix-huit langues.
- Jacques Stephen Alexis, Les arbres musiciens (Haïti)
«Les pins se balancent haut dans le ciel. Ils sifflent à perdre haleine et jettent leur mélodie sombre dans le grand jour qui rayonne sur la forêt. Gonaïbo et Harmonise, la main dans la main, s'en vont parmi les arbres, empoignés par la vaste voix des conifères. Ils courent et s'emplissent au passage les mains de fraises des bois et de mûres juteuses. Ivres, ils s'enfoncent au plus épais de la forêt. Soudain ils s'arrêtent écrasés par la merveille qui s'offre à leurs yeux. Devant eux s'étend une véritable muraille d'orchidées sauvages, une tapisserie aux cent couleurs. Il y en a de toutes teintes, de toutes formes, les unes plus précieuses que les autres, unies, tigrées, avec des volutes d'étamines, des pétales ourlés, spatulés, frisés, des yeux bridés et souriants, des bouches rouges et bées, des dents ivoirines.»
- Albert Camus, Le premier homme,
Prix Nobel de littérature en 1957, Albert Camus travaillait au Premier Homme au moment de sa mort, survenue dans un accident de voiture, le 4 janvier 1960. La somptueuse et émouvante version illustrée, proposée par José Muñoz, est une véritable redécouverte de ce récit autobiographique inachevé. Un dialogue en toute subjectivité, entre écrit et dessin. Elle paraît pour les 100 ans de la naissance d'Albert Camus.
- Mo Yan, Le clan du sorgho rouge,
Le Clan du Sorgho rouge nous plonge dans l'Empire rural des années 30, où communistes et nationalistes du Kuomintang se vouent une lutte sans merci tout en combattant en ordre dispersé l'envahisseur japonais. A Gaomi, au pays de Mo Yan, le narrateur nous conte l'histoire de son grand-père, chef des brigands du lieu, de sa grand-mère, propriétaire d'une grande distillerie d'alcool de sorgho, tous deux héros de la résistance - tant aux envahisseurs qu'aux recruteurs -, qui mènent les paysans à la bataille. Scènes d'amour, de frénésie et de cruauté, scènes épiques, où l'horreur se mêlent au comique, se succèdent dans cette ode à la liberté et à l'indépendance. Les villageois ne se battent ni par idéal communiste, ni par devoir patriotique, mais par attachement à leurs proches, à leurs héros et, surtout à la terre mère. Le sang coule et inonde de rouge les champs de sorghos rouges et la rivière noire. Le soleil couvre de reflets d'or l'eau, la terre imbibée de sang, les figures des hommes ives et emporte le lecteur dans la tempête, entre rire et douleur. Le Clan du sorgho rouge, publié en 1986, a été le premier grand succès de Mo Yan. Un succès dû à la liberté et à la force du style, face aux canons de l'époque. Reçu comme une remise en cause de l'histoire autorisée des débuts du PC, il a été sauvé de la critique officielle par son vrai héros : le petit peuple des paysans pauvres.Zhang Yimou en a tiré un film, Le Sorgho rouge, qui a reçu l'ours d'or de Berlin en 1988. Le premier des cinq chapitres du roman a été publié par les Editions Actes Sud (Le Clan du Sorgho). Nous publions enfin la version intégrale.
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