Maridan-Gyres

L’ivrogne, complètement bourré, entame une valse à trois temps au milieu des embouteillages, pendant que son acolyte quémande des allumettes aux badauds pour allumer le mégot récupéré dans le caniveau.

« coucou ma belle créature, l’amour de mes rêves, as-tu du feu ? » demande-t-il à une passante élégante.

Il titube, change de trottoir, roucoule une chanson à boire, puis affale ses fesses sur un banc public. Tel un héron bleu au long cou, il oscille de la tête dans un monologue sans fin.

C’est période festive au cœur de la ville. Le sapin scintille sur la grande place de la mairie.

Le père fouettard gueule après son môme morveux. L’enfant part en courant. Il a besoin de l’affection et de la tendresse de sa mamy. Il lui rend visite. Elle le câline, elle le console.

Pendant ce temps, nos clochards dessaoulent. Le ventre vide, ils ont froid. Antonio entonne une chansonnette : « Plus faim que hier, j’ai, moins faim que demain, j’ai… »

La vie est rude sur la macadam, au plus mordant de l’hiver. Les craintes des sans-logis sont nombreuses : « Et si un jour mon cœur ne bat plus, ankylosé par le froid ? Et si un jour je tremble de peur devant un Pitbull agressif ?... »

Et oui, chacun sa vie au cours de cette nuit hivernale et glaciale. Pour certains c’est cotillons et bulles de champagne, pour d’autres c’est solitude et vieillesse. Certains sont nantis tel le roi qui, lorsqu’il est fatigué, se fait servir sans scrupules. D’autres ne le sont pas.

Mais finalement, riche ou pauvre, beau ou laid, jeune ou vieux, nous possédons tous une richesse intérieure, celle de notre imaginaire, de notre liberté de penser, de rêver, de délirer.

A chacun ses fantaisies oniriques. Anna, elle, rêve bien qu’elle a des pommes au fin fond du désert, ou que le chat rose et vert s’envole pour gober le moineau au vol.

En pensée, pas de limites, tout est permis, tout est possible.

Nadège