La fin du monde
Sur ce qui restait de notre belle planète bleue, en l’an 2092, résistait à la déchéance générale un peuple qu’on appelait les « chênus ». Pourtant le dernier chêne était mort depuis longtemps et pour beaucoup ce mot ne faisait plus partie de leur vocabulaire et ils étaient bien en peine d’expliquer l’origine du nom de cette tribu… Ne restaient dans les anciennes forêts de chênes que des trous…
Ceux creusés par leurs racines profondes, mais qui hélas ! N’avaient pu résister aux molécules chimiques qui s’étaient mises à voler dans le Nord du globe après l’attaque d’une usine chimique dans le pays alors appelé Suède….
En novembre de l’an 2016. Le nuage destructeur avait avancé au gré des vents vers l’Est puis le Sud en poussant les habitants à partir au plus vite, les moins bien lotis devaient marcher, d’autres, plus chanceux, pouvaient prendre l’avion ou le train… ou les voitures, il restait encore un peu de carburant à cette époque. Le principal était de partir au plus vite, en se renseignant au fur et à mesure sur les directions des vents, ce qui restait le meilleur moyen de rester en vie…
Les dégâts sur notre planète furent considérables, la nature brûlée par les molécules chimiques se détruisait et vue du ciel c’était comme si un gigantesque feu noircissait, jour après jour, un territoire de plus en plus étendu. C’était impressionnant et la crainte de voir toute notre planète détruite entraînait une panique générale.
Les gens se battaient pour avoir les dernières places sur les différents moyens de transport encore utilisables, les magasins étaient pillés, l’armée était débordée et plus le nuage toxique avançait, plus les lieux de production de pétrole, de gaz et de charbon étaient abandonnés. Les champs de céréales et autres cultures détruits et irrécupérables pour des milliers d’années laissant notre production inactive ce qui, bien sûr, entraîna un désordre considérable sur notre économie et l’avenir…
Le nuage meurtrier toucha le Nord de l’Europe, puis toute l’Europe, l’Asie, le nord des États-Unis et descendit jusqu’aux pays méditerranéens sous l’influence du Nordet qui sévissait hélas ! Beaucoup à cette froide époque de l’année, puis vers l’océan Pacifique et ses innombrables îles.…. Les pays du Sud, alors les pays sous-développés pour la plupart durent ouvrir leurs frontières devant cette marée humaine…
Il y eut des guerres de territoire, bien sûr, on ne change pas l’homme comme ça, et de nombreuses victimes… Le nuage diminua enfin d’intensité et se perdit sur l’océan Atlantique d’un côté poussé par les alizés et sur le Pacifique en début de l’année 2017. En seulement deux mois, il avait détruit près de la moitié de notre planète, humains, animaux, végétaux, tout ce qui n’avait pas fui avait été brûlé… Mais en même temps que lui disparurent des races entières d’animaux et de plantes dont le chêne faisait partie. Cette tribu, « les chênus » étaient des rescapés de ces pays du Nord de l’Europe.
Ce qui les avait rassemblés c’est d’une part l’exode, qui avait forcément créé des liens forts entre les gens, mais surtout leur profond respect écologiste pour la nature et les animaux. Ils prirent grand soin, dans leur migration, de traîner avec eux, outre leurs chiens, leurs oiseaux et leurs chats, les animaux de la ferme, troupeaux de bœufs, de moutons, de brebis, des cages avec des lapins, quelques poules… Ils se déplaçaient à pied puis en bateau vers le Sud avec bien sûr de lourdes pertes, et, une fois le nuage disparu, ils se regroupèrent dans un coin de Tanzanie, en reprenant des techniques manuelles et ancestrales pour cultiver la terre et construire leurs maisons.
La leçon qu’ils avaient tirée de cette catastrophe était qu’ils devaient rester humbles devant le pays qui les avait acceptés, mais aussi humbles devant mère Nature et surtout, ils devaient tout faire pour la préserver. Ce que les hommes avaient fabriqué, avec cette soif de pouvoir et d’argent, avait détruit une partie de la planète, c’était pour eux une leçon à garder en mémoire… Ils prirent donc en main leur vie, leur production juste suffisante à leurs besoins et en respectant, encore et toujours la Nature…. Autour d’eux, le chaos, qu’avait entraîné cette terrible destruction, ainsi que les migrations de la population, continuèrent longtemps, les guerres de territoires se multiplièrent et beaucoup de survivants furent finalement tués après, lors de combats acharnés… L’économie mondiale avait chuté, les pays pauvres ne pouvaient assurer une production suffisante pour tout le monde et notre belle planète fut de plus en plus saccagée et détruite….
La Mort rôda longtemps… Seules quelques tribus qui s’étaient intelligemment regroupées et surtout protégées du reste du monde avaient réussi comme les « chênus » à résister et maintenir un équilibre avec leur environnement.
Elles représentaient l’Espérance pour un reste de civilisation. Aujourd’hui en 2092, le monde est scindé en deux, d’un côté ceux qui n’ont tiré aucune leçon de cette catastrophe planétaire. Au fil du temps, ils ont recommencé une course au progrès, à l’armement, à la surproduction, pour recréer en fin de compte pratiquement le même schéma de vie qu’avant, dirigé uniquement par l’Argent. Ils avaient néanmoins conservé une masse importante de pauvres, de délinquants ou mendiants qui n’avaient pu suivre cette course permanente au profit. Ceux-là ont envahi l’Amérique du Sud, l’Australie et de l’autre côté, en Afrique, ceux qu’on appelle toujours les sous-développés, ont continué à vivre avec leur production limitée, à faire du troc entre tribus, à respecter l’homme et la nature, à prendre le temps de savourer un beau coucher de soleil, à écouter les anciens raconter, encore et toujours, comment étaient les arbres de leurs pays d’origine, les chênes, et comment l’homme, par sa soif de pouvoir, les avait définitivement détruits. Ils étaient pourtant instruits, mais avaient abandonné l’idée de la consommation de masse pour préférer la simplicité d’une vie sereine, douce, et surtout harmonieuse avec l’environnement nouveau auquel, ils avaient dû s’habituer…
Eux et leurs animaux. Ils avaient juste pris la mesure de ce qu’on appelle la Vie, pour la savourer et la sauvegarder au mieux… Sophie
Sophie Vauchel
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