Atelier N°5 du 29 février 2016
UNE VIEILLE DAME. UN TÉLÉVISEUR. QUELQUES ASSIETTES DÉCORATIVES AU MUR. UN CANARD EN LAQUE ROUGE ET NOIR. UNE COLLECTION DE CHATS MINIATURES. UNE TABLE BASSE EN LAQUE NOIRE AVEC DES INCRUSTATIONS DE NACRE
RIEN NE M'ÉCHAPPE
Je viens d'emménager encore et encore dans une nouvelle ville au nord de la France. J'ai ce privilège ou l'inconvénient d'omniscience ( la capacité de tout savoir) sur qui que ce soit. Cela empoisonne mon esprit. Au bout d'un certain temps, aucune personne, croisée dans la rue d'une ville où je me suis installé, n'a de secret pour moi.
Cette fois, cela concerne la propriétaire de mon minable studio. De ma lucarne, j'aperçois UNE VIEILLE DAME. Elle sort une boîte à gâteau en fer. Je sais déjà que c'est sa cagnotte, cagnotte que lui rappelle un jeu qui passe alors sur un TÉLÉVISEUR en noir et blanc. Je connais le montant astronomique de ses économies cachées depuis des années dans cette boîte, et deux autres d’ailleurs.
Pour les frais courants du ménage, elle en cache derrière QUELQUES ASSIETTES DÉCORATIVES AU MUR.
Je connais ses pensées quant au devenir de son argent. Elle ne le léguera pas. Elle veut une cérémonie funéraire des plus prestigieuses avec un cercueil en acajou et tous ses bijoux sur elle. Elle laissera le reste de son argent aux gardiens du cimetière pour fleurir sa tombe tous les jours.
Elle refuse que son nom et son image disparaissent aux yeux des gens de sa petite ville.
Je la regarde encore en train de s'occuper.
Je suis seul dans cette nouvelle ville, alors je me distrais comme je peux.
Elle prend UN CANARD EN LAQUE ROUGE ET NOIR. Je sais. Je sais que cela lui rappelle le cadeau de sa fille, toute petite à l'époque. C’est le seul objet qu'elle a voulu garder de sa défunte fille.
Ce moment était magique lorsqu'elles jouaient, toutes deux, avec ce canard. « Coin, coin » chante-t-elle tout haut à présent, tant sa peine est grande.
Puis elle se lève pour dépoussiérer sa COLLECTION DE CHATS MINIATURES comme pour balayer ce triste souvenir. Cette collection lui importe peu, car son petit neveu la lui a offerte pour s’en débarrasser. Elle le sait. Elle la garde, car tout à une valeur marchande à des yeux. Cela a un prix. Il n’y a pas de petites économies.
Tiens, encore du mouvement. Quelle ambiance ! La voilà partie vers UNE TABLE BASSE EN LAQUE NOIRE AVEC DES INCRUSTATIONS DE NACRE.
Je connais tous les détails de ses pensées à cet instant et mon cerveau fume. Par cette posture figée, elle est en train de réévaluer la valeur de cette table et je vois des chiffres défilés dans son esprit.
Je comprends enfin par la précision de ses gestes qu'elle effectue là un rituel.
Demain lorsqu'elle sortira au parc, je rentrerais chez elle pour lui dérober ces objets. Elle sera affolée bien sûr ; mais très vite, je l’inviterai dans mon studio devenu une caverne d'Ali Baba pour la rassurer et la couvrir de tous ses bijoux. Je la persuaderais de sortir l’argent de ses boîtes et de se fabriquer de nouveaux souvenirs en se faisant du bien à elle et aux autres.
Vivre dans l’absolu avant de vivre dans l'oubli
Tithem 30/05/2016
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