Dans le rouge

Rouge

C'est la dominante de cet espace naturel de lecture géologique. Un rouge latéritique marbré de veines verdâtres, cuivreuses.

La poussée du sous-continent ibérique et l'érosion hydrique  ont façonné ces plaies et ces bosses rouges, panachées du vert du matorral[1] méditerranéen.

Ça et là, le noir basaltique, de quelques systèmes volcaniques fossiles, perce la vague écarlate des ruffes[2] ou le bleu azuré des eaux du barrage. Reflets du ciel où bourgeonnent force cumulus.

En ce matin de « davalada »,[3] tout n'est que couleur. Même le panaché des feuilles de vigne participe à cet arc-en-ciel automnal.

Absorbée par le silence, elle expose sa belle silhouette aux rayons encore ardents de l'astre du jour. Dans leur seconde floraison, les plantes aromatiques lui offrent une symphonie aromatique fort propice à la relaxation. Toutes papilles en éveil, elle savoure l'instant… l'ivresse tellurique, elle vibre avec le cosmos. Elle a pris le rythme du Temps, le Temps n'existe plus, elle est le Temps.

Allongée sur le dos, elle scrute les nuages laissant les paréidolies[4] danser.

Tiens un éléphant, là un croco-lion, un reptile baleinéiforme...

Retour à l'enfance.

Elle est bien.

La somnolence la gagne, sans besoin de livres, sans effort. Elle s'en va doucement dans les bras de Morphée.

À son réveil, orchestré par le chtitillou des bergeronnettes, elle est une femme neuve … trop vite rattrapée par sa trépidante vie de flying wine maker[5].

Déjà, la sonnerie de son portable la réclame.

Sa hiérarchie.

Un investissement nouveau est à réaliser si la société veut s'offrir le marché des néo-producteurs asiatiques.

Riche de ces informations, elle sonne son secrétariat.

Son billet et ses réservations pour Shanghai l'attendent.

Bernard 3/02/15

Attente latente

Longiligne, elle expose ses deux bâtiments au soleil de part et d'autre des deux voies qui s'en vont en ligne de fuite vers la droite du tableau, vers La Ciotat.

Cassis.

Sa gare, posée là sur un viaduc, comme un nid de goéland sur la crête d'une dune. Seule la chaleur estivale occupe le champ visuel de la caméra. Rien ne bouge dans cet univers minéral, inondé de soleil.

Le réalisateur filme l'attente.

Attente d'un train en passe d'arriver par l'arrière, s'annonçant par ses bruits mécaniques ?

Attente d'un train face caméra … on distinguera alors son panache de fumée ?

Ou bien est-ce l'attente d'Alain Delon, endimanché de noir, le doulos sur la tête, qui va émerger de l'escalier venant des profondeurs ?

César, à l'abri du soleil, dans le minuscule hall de sa gare, fait la police face à la cohorte des baigneurs qui en cette fin de semaine veut regagner Marseille. Sous pression, il gère leur attente. Tout en guettant la fin de la sienne.

Par-dessus son épaule, il lorgne l'étendue vide des quais, cherchant au loin le crachat noir de 18h28 en provenance de Nice.

L'Alain Delon n'en finit pas d'émerger de l'escadrin. Chez les excursionnistes, on se bouscule au portillon pour voir et saluer l'artiste.

Enfin, il sort ; d'un pas rapide, il fonce vers la caméra.

Coupez !

Libérateur.

Bernard 03/02/15