Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

atelier du 29/01/2014

Amitié

 

 

Quand je suis malade ou triste, elle m'embrasse. Elle colle sa joue contre la mienne, en silence. Nous respirons en même temps. Nous soupirons en même temps.

 

Comme moi, elle aime le fromage, les bananes et l'ail. Comme moi, elle mange d'abord ce qu'elle préfère et laisse les autres choses à la fin.

 

Quand nous sommes gaies, elle sautille avec moi, on se fait mille jeux, plaisanteries et chatouilles.

 

Quand il fait beau, nous sortons ensemble. Nous aimons nager toutes les deux. Nous prélasser sur le sable. Nous y enfoncer pour chercher la fraîcheur. Maudire les inconnus qui nous approchent de trop près ou qui parlent trop fort. Nous aimons l'eau, le soleil, la forêt, les routes. Nous les partageons.

 

Quand elle est malade, je l'embrasse. Je la soigne. Je lui fais sa soupe et lui donne ses médicaments dans la bouche. Je prends sa tête sur mes genoux. Nous respirons. Nous soupirons. En même temps.

 

Quand j'ai une mauvaise note à l'école, elle ne me méprise pas. Quand un garçon me pose un lapin, je lui raconte. À elle, je peux tout dire. Elle ne me juge pas. Elle m'aime.

 

Quand elle fait pipi dans les pantoufles de maman, je ne la gronde pas. Je la comprends. Elle le fait chaque fois qu'elle en a l'occasion, assumant le risque d’une bonne raclée. Je nettoie les pantoufles. Je n'en souffle mot à personne. Je ne la juge pas. Je l'aime.   … Il faut dire aussi que je l'admire.

 

Écrire une histoire à quatre voix, inspirée par le collage

 IMG_0001.JPG

 

Le capitaine du bateau

 

- Ça vous a plu, hein, les gars ? Je vous l'ai dit – pas vrai , - que c'était un joli coup à faire. Pas vrai ? Un butin du tonnerre ! Ces sauvages ne savent pas ce que c'est que l'or. On va s'en mettre plein les poches.

En guise de seule réponse, des fragments de chansons obscènes se font encore entendre par ci par là, mais sans force. Ce que le long voyage en mer et la bataille n'avaient pas pu réussir, le rhum y est arrivé. Ils gisent tous sur le pont, assommés. Il les couve d'un regard attendri par l'alcool.

- C'est ça, mes mignons. Roupillez. Vous avez fait du bon boulot. Ma foi ! Quelle belle journée !

 

 

La louve

 

- Ouf ! Ces sauvages-là ont failli l'attraper. Ils l’auraient frappée comme les autres, les grands. Les grands, je ne les aime pas. Ils ne m'aiment pas non plus. Ils ont des lances, des arcs, des flèches, et ils s'en servent contre moi, contre tous les miens. Mais cette petite, je l'aime bien. Elle n'est pas lourde. Voilà, je suis arrivée à la porter jusqu'à chez moi. Depuis que les grands ont tué mes fils, je suis toute seule. Cette petite me tiendra compagnie. Allez ! Ouvre un peu les yeux ? Tu as faim ? Il doit rester encore un morceau de sanglier. C'est bon ça. Tiens, croque !

 

 

La fillette

 

Elle sent une caresse humide et chaude sur sa joue.

- Maman ! Maman ! Papa ! Maman !

Des images affreuses repassent devant ses yeux fermés : maman qui crie, qui hurle, serrant le petit bébé contre sa poitrine. « Sunhwa, Sunhwa ! » l'appelle papa dont la voix est arrêtée court par une dague dans le cœur. Une massue tombe sur la tête de Dongki ; l'arc de chasse, son premier, tombe de ses mains. Maman renversée, le ventre déchiré par un sabre. Le petit bébé piétiné. De grosses bottes qui passent à côté de sa cachette, qui la frôlent.

- Maman ! Papa ! Maman ! Dongki ! Hurle la terreur dans sa tête. Mais les dents restent serrées.

 

 

 

Les amoureux

 

- Tu as entendu quelque chose ?

- Oui, ton cœur. Il me dit que tu m'aimes. Embrasse-moi encore.

- Il y a eu un cri, des cris. Si quelque chose était arrivé au village ?

- Que peut-il arriver ? Non, ne bouge pas ! On est trop bien comme ça. Le village est trop loin pour entendre. Et puis peu importe. Tout peut disparaître. Je n'ai besoin que de toi.

 

Ronde de mots : amande, sauvage, félicité (bonheur), confiance, étang, mélange, chanter, rouler, espérer, suspendre, prendre, craindre

 

 

Ses yeux en amande, sa voix chantante, le rouge sauvage de sa bouche. … La félicité sans mélange dans son sourire, la confiance dans son regard couleur des étangs en automne… Ses boucles roulant, se nouant, se dénouant, espérant toucher les seins suspendus très haut, deux poires à peine mûries sur une branche. … Sa main prenant la mienne – frêle, une tige de narcisse –, calme – une fleur de lotus. … Ses craintes envolées, … nichées à présent dans mon cœur… ça me comble, m’enivre, me charme… ça me fait tellement peur !

 

Le voyage de mes rêves

 

 

 

Le passage a été dur. Je ne savais pas si j’arriverais de l’autre côté. Si les calculs étaient bons. J’avais peur. Tellement peur ! Mais l’envie était plus forte, qui m’avait hantée toute ma vie. Rêver, imaginer… jour et nuit … des années. « Comment faire ? Comment survivre là-bas ? L’argent, les cartes bancaires, les chèques ne me serviraient à rien. Il me faut de l’or, beaucoup. » Finalement la vie me l’a donné. J’ai tout préparé : de l’or, un poignard – car sait-on jamais ? – des vêtements appropriés…

 

Puis, le passage… Une chute dans l’abysse, un ascenseur qui a perdu la tête et tombe, et tombe … la porte qui s’est ouverte d’un coup : rideau tiré sur un monde si vieux, mai si beau et si simple, tout jeune et tout nouveau pour moi.

 

Un peu étourdie, je regarde autour. Ma robe verte m’embarrasse. La seule couleur que je hais. Elle me va fort mal. Mais le moyen de trouver un vêtement du modèle qu’il fallait, pour ne pas attirer l’attention, et d’une belle couleur en plus ! Fatiguée. J’aimerais bien un café. Aucune chance d’en avoir ici.

 

-          Des oubliettes toutes chaudes, pur beurre de Vaugirard !

-          Vin aux épices ! Venez ! Goûtez !

 

Les cris jaillissent de tous côtés et m’étourdissent davantage. Tout bouge, mais pas si vite que le Paris que je connais. Ce qui m’étourdit, ce sont les couleurs. Plus vives. Plus vraies. Et les odeurs. Mille odeurs inconnues qui me rappellent vaguement le beurre du supermarché, les côtelettes, la cannelle, les pommes, les citrons… Mais ce n’est pas pareil, pas pareil. Ces odeurs sont plus fortes. Non, ce n’est pas ça… Elles sont… elles sont plus vraies, plus simples, plus nettes.

 

Tout un monde passe devant mes yeux fascinés : charrettes, cavaliers, marchands, truands, filles de joie, un clerc, un évêque, deux soldats …

 

Du coup je reconnais le Palais, la grande voûte du côté du Jardin. Ça me rassure un peu. Je sais où je suis. J’y vais.

 

Au lieu du vide gris et silencieux, sous les voûtes, toute une foule qui fourmille. Là, des monceaux de perles, chaînettes, ceintures dorées, rubis et émeraudes... Là-bas, un jeune gaillard tout brun, la peau chaude comme le soleil de Tolède, vante ses couteaux et sabres. Un grand seigneur vêtu de rouge des pieds à la tête lui achète une paire d’éperons. Je m’approche. Il sent le cheval, le gibier, la sueur, le vin de Bourgogne... Ces fortes odeurs conjuguées devraient me faire fuir, moi, qui ai le sens de l’odorat si sensible. Mais j’avance, j’avance encore, toute sous le charme. C’est lui. Ce ne peut être que lui. Il dépasse du chef tous ceux qui l’entourent.

 

C’est trop de chance de le rencontrer si vite. J’ai peur. De mes deux mains, je colle ma jupe contre mes jambes, me fais petite, et tremble. Soudain, une pensée me traverse : combien de fois ai-je dit « j’ai peur » ces dernières minutes ? Cette pensée me secoue, comme un grand poing qui m’aurait prise à la gorge. Et dans l’espace d’un instant je vois clair : toute ma vie j’ai eu peur. De mes patrons, de ma famille, de l’opinion publique, du lendemain, de tout. Toute ma vie je n’ai fait qu’espérer, me plier, obéir, me laisser fouler aux pieds, remettre à plus tard, et quand le moment était venu, fuir, trembler, avoir peur, remettre encore à plus tard. Maintenant je suis là… L’an de Dieu 1314. Là où j’ai rêvé d’être. Et j’ai peur. Il est là, devant moi, l’homme dont j’ai tant lu, que j’ai tant imaginé, qui m’a tellement fascinée avec sa force, sa vaillance, sa haute taille, ses muscles, sa ruse, son courage… Et moi, j’ai peur. J’ose à peine le regarder. Comment changer une vie de lâcheté en une seconde ? Que faire ? Comment ? Le temps m’est peut-être compté. Partirai-je sans lui avoir parlé ? Sans l’avoir touché ? Sans avoir été à lui ? Sans avoir éteint cette grande soif ?

 

-          Tiens, une belle frimousse que je ne connais pas ! Qui es-tu, ma jolie ?

-          Gabrielle, pour vous servir, Monseigneur.

 

Gabriela 29/01/2014



08/03/2014
2 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au site

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 487 autres membres