Atelier du 12/05/2015
La bouteille à la mer
Une bouteille à la mer. Il vient de la jeter. Une blanquette de Limoux de chez Robert à Pieusse. Le top. Fermée à la cire, bien que le liège du bouchon a de bonnes chances de bien se conserver.
Une bouteille à la mer. Sa bouteille. Mais qu'est-ce qui lui a pris d'investir ce jeu d'enfant, d'adolescent boutonneux en mal de jolie princesse … blonde aux yeux clairs !
Une bouteille à la mer. Son message. C'est la règle du jeu. Mais de l'idée à l'écrit ce fut un vrai poème.
« Une bouteille à la mer pour vous dire, ô vous qui me lirez, mes espoirs de paix sur la terre, mes espérances dans l'Être humain et sa sagesse. Une bouteille à la mer confiée aux aléas des courants, pour vous dire chers lectrices ou lecteurs combien de ce côté de la Méditerranée, il en est au moins un qui attend et espère.
Voilà, on m'appelle Tony Picard, né sous X, il y a vingt-cinq ans, élevé à l'orphelinat de Pigna près de Montpellier. Une bouteille à la mer pour retrouver ma maman. Deux initiales A.B. Merci de contacter antoine.picard@gmail.com »
Tout en préparant les filets de sars aux haricots blancs, il repense à cette action menée lors d'un séjour aux Aresquiers. La blanquette de Limoux ? Volée chez le caviste du coin. Il imagine sa mère, il triture ces deux bouts d'Elle : A.B. ce début d'alphabet inachevé ; ou bien B.A. comme Béatrice ou en mode « nonnes » Bonne Action.
Ah ! Si seulement, il se trouvait là-bas, une Akissa Benquelquechose, kabyle aux yeux clairs qui lui annoncerait la bonne nouvelle « Je suis ta maman »
Une bouteille à la mer. Dix ans. Sans retour à ce jour. Son œil esquisse une larme.
Une bouteille à la mer. Le résumé de sa vie : sommelier à bord d'un navire !
Il essuie sa larme et s'en retourne à son service.
Flash-back
« Alors comme ça, Mme Attias, vous êtes de Montpellier ? » questionne M. de Beauval. « C'est ma jeunesse », poursuit-il. « Le dernier été que j'y ai passé, j'allais sur mes trente ans. Le camping sauvage du bois des Aresquiers nous a accueillis pendant près de vingt saisons estivales.
Du grand classique pour parisiens. Soleil et mer. Les bandes de copains garçons d'abord. Saut de l'ange depuis le pont du canal. Puis en grandissant, les premières sorties en boîtes de nuit : le Tiphany's, le Blue Fin, Les Régagnous[1]. Les premières filles. Ma Simca 1000 achetée d'occase avec mes salaires de perchistes dans les Alpes. Depuis les Aresquiers on se trimballait de plage en plage, les Rouquilles à Palavas, les Petit et Grand Travers à Carnon. C'était le bon temps. »
À l'évocation de tous ces lieux connus, Bérénice emprunte la machine à remonter le temps proposé par M. de Beauval. « Malgré notre différence d'âge, peut-être nous sommes nous déjà rencontrés, qui sait ? Moi ma première sortie en discothèque, c'était au Gibus le soir de mes quinze ans … Mais, je ne voudrais pas vous ennuyer avec mes souvenirs de jeune fille, connaissez-vous notre côte languedocienne Monsieur Bobillier, dans ses aspects balnéaires diurnes et nocturnes ? »
Interpellé, le beau brun taciturne ne peut faire autrement que de participer à ce retour en arrière suggéré par ses commensaux : « Non, mais vos souvenirs m'ont ramené vers nos courtes vacances estivales sur les bords de la Loue, affluent du Doubs. Aux nuances géographiques près, c'est à peu près la même histoire. Celle des « Gens de peu »[2], avec force apéros et parties de boules, à la lyonnaise chez nous.... »
- Madame, messieurs voici vos entrées : carpaccio de bœuf accompagné de sa pissaladière, spécialité niçoise.
- Merci Tony répondent-ils en cœur
- Avec plaisir.
- Puis, il ajoute :
- Je vous prie de m'excuser, mais malgré moi j'ai entendu que vous parliez des plages languedociennes. Je connais bien aussi. Je suis natif de Montagnac, élevé chez les sœurs à Pignan, nous allions souvent aux Aresquiers.
- Je vous laisse déguster et vous souhaite un bon appétit.
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