Atelier du 10/02/2015
La tour Dona Cicerone
Le bus l'a déposé près de la petite chapelle ; elle passe sous l'arc pélagique, porte de l'ancienne cité. La placette qui l'accueille s'est parée de l'ombre de platanes centenaires.
« Voyez ce joli ménestrel de pierre » placé en haut de Donna Cicerone, guetteur de l'envahisseur napolitain.
Son regard suit la parole de la guide touristique. Donna Cicerone occupe l'angle droit de la place Santa Maria. Posée sur un petit tertre, elle domine toute la basse vallée du Liri qui conduit vers Naples.
Ultime vestige d'un vaste rempart, les anciens de la cité lui ont donné figure humaine, la dotant d'une personnalité protectrice et l'affublant de ce nom pompeux de Dona Cicerone, en l'honneur du célèbre fils de la cité. Elle est très haute, crénelée, encore dotée de sa terrasse de guet.
La guide ne manque pas de faire remarquer les rais du soleil qui, au travers de créneaux perce l'ombre des arbres comme une pluie qui tombe en fines gouttes d'or.
Flashes. Capter ce moment intense où nature et humanité se conjuguent pour proposer ce spectacle unique.
Dans l'ombre de la tour, un éclair attire son attention, un bel italien a sorti son couteau et rythme le temps en taillant un morceau de bois. Il attend. La beauté de cet homme capte son regard. Il émane de lui une sérénité, une sagesse. Son geste est fluide comme l'eau qui s'écoule lentement à travers la glace. Lentement, il taille son bâton en pointe. Sans forcer, il accompagne de cet archet la rhapsodie de cette belle journée estivale.
Adossé à ses parements, Dona Cicerone veille sur lui. En pensée, il lui dit merci de le tenir ainsi, à l'écart de la polluante présence touristique qui, chaque été, s'abat sur la cité comme il neige à gros flocons sur l’Arctique.
Ah ! Donna Cicerone ! Compagne de toujours depuis ses jeux d'enfants jusqu'à ses méditations d'adulte. Elle a toujours fait partie de son paysage, de sa vie. Il appréhende ce jour où il devra lui tirer sa révérence. Ce jour-là, il pleuvra à verse dans son cœur, un déchirement du ciel. Pas de quoi le mettre en joie. L'heure est peut-être venue. Là, il attend le signe, le message.
Qui sera celui ou celle qui viendra interrompre la symphonie de ces jours heureux qui s'écoulent dans cette vieille cité des contreforts des Abruzzes.
L'ombre portée de Donna Cicerone se pose lentement sur cette touriste étrangère qui le scrute, figée.
Une chaîne et Donna Cicerone en pendentif. C'est le signal. Sa messagère. Jeune femme blonde, une Claudia Cardinale scandinave. Soin œil exercé sculpte sa silhouette dans sa tête. Il va se conformer au rite. La suivre.C'est ainsi ; s'il veut entrer dans la confrérie moyenâgeuse de Donna Cicerone.
Il pose son bâton, ferme doucement son couteau, se lève. Elle a tourné le dos. Il la suit. Vers l'arrêt de bus.
Bernard 10/02/2015
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