Atelier 9 - 2023 - sujet 2
Des rires et des cris de joie émanaient de cette cour de récréation écrasée du soleil de mai qui dardait de ses rayons tout neufs les joues encore pâles des jeunes citadins. La matinée avait été très studieuse, Pythagore était venu troubler les esprits chahuteurs, et l’imparfait du subjonctif leur avait suggéré, avec ses terminaisons ambiguës, des sourires en coin.
La classe allait reprendre. Le calme s’installait à nouveau.
La maitresse, fraichement diplômée de l’école normale, caressait le secret espoir de faire jaillir de cette classe de CM2 de quartier un amour sans faille pour les études. Ses yeux dévoraient littéralement les élèves voulant leur insuffler sa propre passion pour l’histoire, la géographie, en plus du français et des mathématiques. Sa directrice lui avait annoncé une classe difficile, mais son enthousiasme avait pris le dessus, et d’ailleurs la jeune femme ne regarda pas cette marmaille comme une cause de ruine, mais au contraire comme un vivier qui ne demandait qu’à être nourri et entretenu. Elle n’aborderait pas tout de suite les grands auteurs mais voulait développer chez eux l’esprit critique étayé par des connaissances bien acquises.
L’inspection de fin d’année se profilait à l’horizon du mois de juin, et la jeune institutrice, avait fait le bilan de son année scolaire, assez satisfaite des résultats de ses protégés.
L’inspecteur académique avait rejoint l’établissement ce matin et parlait longuement avec la directrice, dans son bureau au premier étage. Mais « que peuvent-ils comploter la haut ?» se demanda la jeune enseignante. Elle proposa à ses élèves une liste d’ouvrages à lire pendant les vacances. Pourquoi pas Zola, qui en substance nous dit dans le roman « la famille des Rougon »:
« Si vous abandonnez votre esprit critique et vous laisser gagner par la peur, vous courrez le risque de perdre vos libertés et de laisser le cynisme et la cupidité s’installer au pouvoir sous les applaudissements ignorants des masses manipulées »
Lorsque la porte s’ouvrit sur l’inspecteur et la directrice, les élèves se dressèrent unanimes dans un mouvement spontané et parfait pour saluer les visiteurs, à la stupéfaction de M. l’inspecteur.
Les échanges se déroulèrent de façon tout à fait satisfaisante, les élèves très à l’aise et l’enseignante confiante.
Les supérieurs repartis, la classe reprit et les élèves posèrent mille questions à leur institutrice sur leur prestation, celle-ci en profita pour leur adresser ses remerciements ! Ainsi fiers du compliment, gonflés de confiance en eux, Les jeunes quittèrent l’école primaire promettant à leur maitresse d’être des collégiens sérieux dès la rentrée prochaine.
L’inspecteur, vraiment content du travail de l’institutrice, proposa à la directrice d’offrir à la jeune femme un poste plus important, dans une école réputée. Mais celle-ci devant les qualités de l’enseignante, désirait la conserver dans son établissement, et pour justifier son choix évoqua plusieurs arguments, tels sa proximité avec les élèves, ses valeurs intrinsèques et sa jeunesse.
Elle évoqua également le fait que la jeune femme gagnerait beaucoup en assurance en menant à la réussite des enfants en difficulté. « Elle est bien jeune, murmura-t-elle, elle a bien le temps d’aborder des classes où le prestige et l’autosatisfaction font loi, car à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire …ajouta-t-elle en un souffle à peine audible.
Les vacances estivales terminées, la jeune institutrice reprit avec allégresse sa nouvelle classe de CM2, plus que jamais animée par le feu sacré de son métier.
L’institutrice conserva son poste à sa grande satisfaction et celle de sa direction.
Shunt – 2023.06.12.
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