Atelier 7 - 2021 - sujet 2
Elle décide de peindre ce matin. Elle sort son chevalet, sa chaise dans le jardin, tout son matériel, pinceaux, couteaux, tubes d’acrylique, toile, palette, chiffons, bocal d’eau. Elle s’installe au cœur du parc.
Elle commence par regarder l’éclairage du matin. Le soleil filtre à travers les arbres au fond du terrain, il monte doucement et l’ombre et la lumière s’amusent à dessiner des formes insolites qui englobent des fleurs, de l’herbe, des branches, un pan de mur, un banc. Le chat est sur un poteau de la clôture. Seuls les félins se hasardent à ce genre d’équilibre. Elle sourit à cette vision, puis Elle prépare ses couleurs, les primaires par petits tas, quelques mélanges.
Elle utilise toujours le couteau pour poser les premières touches. Elle ne cherche pas à reproduire ce qu’elle voit mais à évoquer un climat : celui de ce matin d’une douceur poétique mais aussi vibrant de multiples teintes de floraison.
Lui sort de l’appentis, il prépare ses outils : la débroussailleuse, la tondeuse, le taille haies, les sécateurs, le sac pour végétaux. Il a décidé de remettre en état le jardin. Profiter de cette journée lumineuse.
Il se prépare à modeler la végétation qui se développe de façon anarchique et trop touffue depuis les dernières pluies et les éclaircies chargées de chaleurs printanières.
Il ne cherche pas à reproduire un jardin à la française, du genre tiré au cordeau, aligné, géométrique mais à créer une ambiance sauvage et contenue à la fois.
Lui, Elle observe, elle ne sait pas si elle va l’intégrer dans sa composition, elle ébauche une silhouette qui se marie avec le paysage.
Il met ses gants explore les arbustes, les feuillages, suit les branchages, s’attarde sur certains comme pour en prendre la dimension, le volume, les ressentir avant de commencer la taille.
Ils sont comme échevelés, un coiffé décoiffé dirait-on s’il s’agissait d’une chevelure, il va les discipliner avec détermination, mais garder leur naturel, non domestiqué. Il coupera les ronces et éclaircira le fouillis de coins broussailleux.
Elle donne de l’épaisseur à la silhouette pour la rendre plus présente puis la racle d'un seul geste, griffe la peinture, la déstructure, elle étale une couleur neutre opaque sur le sol qui contraste avec les tons ardents, modulés, transparents de l’ensemble, Elle jette des éclaboussures de peinture sur la partie ciel et les coulures se fondent avec le reste du paysage. Elle se lève, essuie ses doigt sur le chiffon et s’étire.
Pendant ce temps, Lui, il a passé la tondeuse et la débroussailleuse, le terrain est comme un aplat de couleur unie qui contraste avec la vivacité des massifs de fleurs qu’il a libéré des herbes étouffantes.
Il a soif, il prend sa bouteille d’eau, la fraicheur du breuvage coule dans sa gorge sèche.
Il prend ensuite son arrosoir et commence à asperger les plates-bandes, la pomme se détache et il inonde ses pieds, une petit rigole se faufile derrière une motte de taupe et une coulure de terre
recouvre quelques pâquerettes. Il marche dans une flaque, éclaboussures boueuses sur ses sandales.
Elle le voit, elle rit !
Lui aussi, il rit.
Ils se regardent et se disent qu’ils ont besoin d’une pause.
Lui s’approche de la toile, Il est aspiré par cet univers impressionniste. Son imaginaire l’emporte au-delà des frontières de ce rectangle toilé.
Sensations d’effluves, de textures légères, d’horizons lointains.
Elle balaye de son regard l’environnement qui s’accroche aux vagues vertes des feuilles puis dévale vers les parterres de fleurs, les troncs tortueux et les accidents du site. Elle en ressent un vrai bonheur, elle est séduite par ce jardin un peu fou qui autorise tous les rêves. Impression de profondeurs, de cachettes, incitation à la flânerie dans les chemins de traverse.
Ils s’inspirent l’ un l’autre. Le jardin est dans la toile et inversement. Ce sont des âmes sœurs.
Clohe
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