Atelier 6 - 2021 - sujets 1, 2, 3
Cette nuit, j’ai fait un rêve étrange. J’étais dans un pays en guerre. Tout autour de moi, tout était détruit et ne subsistait que des cris d’agonie et des lamentations. Eperdue, je cherchais un coin où me cacher quand soudain, j’ai reçu une balle qui m’a déchiré la poitrine. Je me suis effondrée.
A mon réveil, une jeune femme charmante me souriait. Quant à moi, j’étais allongée sur un nuage.
- Où suis-je ? ai-je demandé.
- Vous êtes à la croisée des chemins.
- Qui êtes-vous ?
- Je suis la maîtresse des portes, chargée de la gestion des transits. Je vais vous proposer plusieurs choix et c’est vous qui me direz quelle direction vous voulez prendre.
- Quels chemins me proposez-vous ?
- Vous êtes trop pressée. Ici vous allez devoir prendre le temps. Vous ne pourrez pas faire ce que vous voulez, mais ce que vous devez faire. Otez-vous l’idée de n’en faire qu’à votre tête.
- Les choix proposés constituent une mise à l’épreuve ou si vous préférez… c’est un but à atteindre. Peu y parviennent. Mais pour l’instant, je vous invite à fermer les yeux.
- Pourquoi ?
- Obéissez !
La voix a changé, elle est cassante. Bien que plutôt du genre indocile, je ne réplique pas et ferme les yeux. Le ton de cet ordre m’a paru extrêmement dangereux. Sans savoir pourquoi, j’ai su que je devais obéir sans réfléchir. J’ai donc obtempéré !
Quand j’ai rouvert les yeux sur ordre de la femme qui m’avait reçu, j’étais à bord d’un vaisseau spatial. Non, ne riez pas, c’est vrai !
Mais ce n’est pas tout, la suite est invraisemblable. Soudain, le vaisseau a disparu et j’étais à nouveau sur les nuages. Je portais une somptueuse robe de satin rouge vermillon. Face à moi, trois gros nuages formaient des visages grimaçants. Je me suis tournée vers ma guide, mais elle aussi avait disparu.
J’aurais dû être effrayée, mais ce n’était pas le cas. La mort ne m’a jamais fait peur, car je sais que le chemin ne s’arrête pas là, cependant, je me demandais où allait me conduire cet étrange voyage. C’était l’occasion ou jamais d’interroger ces êtres étranges. Ce décor sinistre me semblait presque un écrin pour ma jolie toilette et je brulais d’envie d’avoir des explications sur ce qui m’entourait.
- Bonjour, permettez-moi de me présenter, je m’appelle Maridan et j’aimerais savoir où je dois me rendre à présent ?
- Tu ne sembles pas très douée pour attendre que l’on s’adresse à toi.
- Attendre n’est pas productif et moi j’aime savoir ce que je fais. Il y a peu j’étais blessée et agonisante et à présent, j’ignore où je suis, ce que je suis… Vivante, morte, entre-deux ! Alors vos remarques désobligeantes vous pouvez les garder pour vous !
Un vent violent s’est levé et je me suis mise à tourner en rond tel un derviche tourneur. Je n’arrive pas à stopper cette danse infernale. J’ai l’impression d’être dans une errance qui entraîne d’étonnants évènements.
Une fois encore, les nuages grimaçants ont disparu ainsi que ma jolie robe. Quand le vent s’est arrêté après avoir dissipé la brume qui m’entourait, j’étais seule dans un cimetière. Il faisait nuit et je tenais une lanterne en verre dans laquelle brulait une bougie. J’avançais vers la sortie.
Je portais une longue robe blanche. La pleine lune ronde et brillante dispersait à travers les nuages sa clarté spectrale éclairant un visage épouvantable et visiblement courroucé. J’ai entendu ce visage qui s’adressait à moi, mais je ne comprenais pas un mot de ce qu’il disait. Soudain, derrière moi, j’ai entendu la camarde qui ricanait. Me retournant, j’ai vu qu’elle était entourée d’une nuée de corbeaux.
- Il te dit que tu es à moi, me dit-elle
- Vous ne me faites pas peur ! La mort m’accompagne depuis des années et c’est une amie fidèle qui sera là à ma dernière heure pour m’accueillir. Cependant, je sais que je suis là de passage, alors pourquoi cherchez-vous à m’effrayer ?
- Tu as peur ?
- Non, cela ne m’inquiète pas. Je sais que vous êtes une échéance inéluctable, mais je sais également que mon chemin ne s’arrête pas là !
- Pourquoi ?
- Parce que j’ai encore des choses à entreprendre.
- Quelles choses ?
- Ecrire, encore et encore, peindre, sculpter, m’occuper de mes petits anges. Comme vous voyez, ce n’est pas mon heure, il me reste des choses à faire.
Le visage ne m’a pas répondu, mais le décor a encore changé. Après avoir tourné une fois de plus sur moi-même, je me suis retrouvée au-dessus de collines verdoyantes. Où étais-je ? Je l’ignorais. Ce devait être l’Eden dont parle la bible
Deux magnifiques planètes planaient au-dessus des collines. Je me suis mise à marcher lentement, passant d’un nuage à l’autre. Survolant ce paysage fantastique. Une musique céleste accompagnait mes pas. C’est alors que ma guide est revenue.
- Aimes-tu ce que tu vois ?
- J’adore, c’est magique !
- Que penses-tu de ce voyage ?
- J’ai l’impression d’être mise à l’épreuve, mais sans brutalité. L’impression curieuse que je dois trouver la raison de ce qui m’a amenée ici.
- Dis-moi ce que tu vois vraiment.
- Je vois les vertes prairies de la Corrèze natale de ma maman. Je l’imagine ici gardant les vaches de ses grands-parents tandis que le vieux Basper la reluque du coin de l’œil. Je sais qu’un ange veille sur elle, pour qu’elle ne tombe jamais entre les mains de ce scélérat. J’entends le cri de mon cousin et mes cousines qui jouent à cache-cache dans les bois. Je vois le Thierry qui ramasse les écrevisses qu’il cachera ce soir dans mon lit de petite parisienne. Je sens l’odeur des tartes aux pommes que ma grand-mère fait mieux que personne et qui m’ont donné le goût des bonnes choses. Et puis je vois ces deux planètes qui semblent la promesse de mes vies en devenir si je termine correctement la mienne.
- Je suis fière de toi, tu avances sur la bonne voie. Dis-moi, quelle destination vas-tu choisir à présent ?
- J’ai le choix ?
- Bien sûr ! C’est toi qui a fait ces trois premiers choix.
- Ah bon ! Je n’en garde aucun souvenir.
- Alors qu’est-ce que tu aimerais faire à présent ?
- J’aimerais revoir la mer.
- Ferme les yeux.
Une fois encore, j’ai obéi. Elle m’a demandé de d’ouvrir les yeux et là, j’étais sur un voilier sur une mer illuminée par un coucher de soleil flamboyant. Cela a rempli mon cœur d’allégresse.
Je me suis revue enfant, à la Sauvain dans l’école où ma grand-mère vivait en l’absence de mon grand-père. Que nous y étions bien toutes les deux. Moi serrée dans ses bras aimants. Ses baisers, sa peau si douce. Le gros édredon rouge sous lequel elle m'enfouissait chaque soir afin que j'ai bien chaud.
Pourquoi le bercement des vagues faisait-il ressurgir en moi les rares images de bonheur de mon enfance. Je l’ignorais, mais revoir ma grand-mère chérie se placer entre les coups et moi, voir sa peau diaphane se couvrir de bleus pour me protéger m’a fait venir les larmes. Il y avait si longtemps que je n’avais plus penser à elle. La revoir ici m’a réconfortée.
Une fois de plus, je me suis mise à tourner sur moi même. Lorsque le tourbillon s’est arrêté, j’étais au pied d’un escalier qui montait vers les nuages. Une sorte de dragon était sur ma droite et il s’adressa très gentiment à moi.
- Te souviens-tu des contes que tu as écrit sur moi ?
- Sur toi ? Non, je ne me rappelle pas.
- Tu te disperses trop. Recentre-toi. Tu passes du coq à l’âne sans arrêt. Que vois-tu ici ?
- Je vois des cahiers qui volent tout autour de toi.
- Pourquoi ?
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi sont-ils ici ?
- Je l’ignore.
- Allons, tu peux faire mieux que cela.
- Oui c’est sûr, elle peut faire mieux, mais le veut-elle ? Telle est la question !
Voici mon guide qui est revenue. Elle me regarde en silence et je sens le poids de leurs deux regards sur moi.
- Ce sont les cahiers qui encombrent mon bureau des histoires commencées et non achevées.
Le dragon et ma guide se mettent à rire.
- Enfin la lumière est revenue. As-tu compris la raison de ce voyage ?
- Je crois. Je dois finir ce que j’ai commencé et cesser de me disperser comme je le fais trop souvent.
- Oui, tu portes le poids de toutes ces histoires que tu as fait naître et qui n’ayant pas abouties se morfondent dans les limbes. Comprends-tu où est ton devoir ?
- Je crois ! Je ne vous promets rien, mais je vais essayer d’en terminer quelques-unes.
- Eh bien, tu nous vois ravis de ce choix ! Tu peux rentrer à présent, mais écoute-moi bien... Tu devras toutes les finir avant d'en commencer d'autres.
- Promis, j'essaierai.
- Non... Tu réussiras!
Et c’est ainsi que je me suis réveillée à l’hôpital, heureuse d’être en vie et la tête pleine d’histoires à terminer. Toutefois, une question me turlupine… Pourrais-je tenir ma promesse ?
Maridan 30/04/2021
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