Atelier 4 – janvier 2019 - sujets 1, 3 et 4
1er sujet :
« Maestro au féminin »
Comment était-il possible de nommer un maestro féminin ? Qui avait eu cette idée saugrenue de confier la baguette du maître à cette donzelle qui semblait décalée, fragile, presque inquiétante ? Un appel à la communauté internationale des chefs d’orchestre avait été lancé pour recruter un professionnel de haut vol, car les concerts à venir devaient se dérouler dans des auditoriums d’exception dans le cadre d’un festival multi culturel Danse, Musique, Théâtre.
Cette année devait consacrer un maestro qui sauverait l’orchestre en péril. Comment une femme assez bizarre serait perçue par les musiciens pour les diriger ? Aurait-elle la maestria ?
Ainsi pensait le manager de la formation musicale et il se persuadait que le mieux pour rendre service à tous, et sauver tout le monde de la déconfiture était surement de la dissuader de se présenter. Or le temps pressait. Elle arrivait le surlendemain. Il décida donc d’appeler un influent personnage de la politique culturelle pour trouver comment rompre le contrat envisagé.
Contrairement à ce qu’il attendait, le politique pris parti pour la dame et assura l’indéfectibilité de l’engagement vis-à-vis d’elle. Il dit « et bien quoi, que voulez-vous, que nous la défigurions avant demain pour l’évincer ? Qu’elle apparaisse tuméfiée à la une de la presse et à jamais martyre ? Je ne vous vous soutiens pas. Sachez que cette nomination dépend d’un vote à bulletins secrets de l’éminent conseil de la congrégation des chefs d’orchestre. Je vous saurai donc gré d’accueillir cette dame avec tous les honneurs dus à sa réputation. C’est la fée bleue à la baguette magique de l’histoire de Pinocchio, elle transforme tout ce qu’elle touche en merveille de vie ».
3ème sujet :
Tristesse d’eau…
Miroir gris salé,
Etalé, traine de ciel,
Doux pleurs de mer.
Reflet du soir
Visage argenté
Brume sableuse éclairée
La lune se regarde.
Blessure
Arpège de cœur,
Mélancolie irisée
Son regard s’embue.
4ème sujet :
La joie de vivre à travers la luxuriance de la nature et la spontanéité de l’animal…
Zouk, le petit chien, court ventre à terre, puis s’élance et survole allongé comme un oiseau sans ailes les grandes herbes du mois de mai, plonge en zigzag noir sous les chevelures vertes, souples et aérées du sol et ressort ramassé en boule frisée juste au pied du bouleau qui balance ses feuilles naissantes à fleur d’eau.
Zouk se repose. Nous nous arrêtons. Le sentier le long du Lac offre ses multiples robes printanières à froufrous, aux coupes déstructurées, élégantes ou fofolles. Court vêtu, en fourreau vert tendre piquant et cliquetant, coiffé haut et raide avec des papillotes jaunes çà et là, empêtré dans de longues traînes aux sonorités plus foncées, chaussé de mousse ou de talons de bois sculpté, il défile devant nos yeux, insolent de jeunesse.
Zouk reprend sa course effrénée. Complices, Lui et le sentier nous amènent au bord du lac. Nous nous asseyons.
L’eau douce gris moiré s’étale comme un tissu à peine plissé qui se déchire parfois sur les arêtes coupantes de rocailles insoupçonnées. Il enveloppe par endroits des petits bras de terre, enlace les pieds d’arbres audacieux, massifs ou délicats, vient ourler de dentelles irrégulières les bancs de sable et le gravier, ganter de résille blanche les doigts ébréchés de branchettes, l’onde se laisse pianotée et affleure en sourdine un clapotis de gouttelettes. Chœurs aquatiques.
Au moment où l’on s’y attend le moins, à force de s’étirer en tous sens, il se déchiquette, éclate en bleu pastel, vert et bleu, éponge tout le gris, et seuls quelques lambeaux hésitent encore entre soleil et pluie, coquetterie de reflets.
Lac, te voilà devenu petite mer, les vaguelettes sautent les unes sur les autres et s’amusent à mordiller de leurs petites dents blanches le nez de Zouk qui batifole sur la rive. Récréation. Il multiplie les allers retours en essayant en vain d’attraper dans sa gueule cet étrange animal facétieux à la peau fluide. Il s’y épuiserait et ne vient vers nous qu’au rappel.
Les heures passent. Tout change à nouveau, le bleu fonce comme si un lourd poisson mystérieux venu des océans déversait à la force de ses nageoires la puissance des eaux lointaines, profondes et gravement sonores.
Zouk est en alerte, oreilles pointées, encore prêt à bondir sur cette nappe animalière tandis que capturés par cette énergie nouvelle nous voguons vers un univers où se dilue la matière connue. Le corps est diffus. Peut-être seule se dévoile la conscience ? Instants de bonnes heures… puis le regard reprécise peu à peu les contours du paysage, le corps reprend accord avec la densité et nous prenons à pas lents le chemin du retour.
Zouk ne sait pas, mais nous savons que viendra l’époque des chevelures hirsutes de genêts déflorés où s’aventurent les ongles carmin des digitales, celle des longues mèches indémêlables des ronces et des masses drues des roseaux. Rivaliseront alors les coiffures à étage des arbres forestiers, savamment enroulées sur des peignes à pompons, ou dressées vers le ciel tenues par mille épingles épineuses ou négligemment ébouriffées retombant sur les jupons bouffants des fougères.
A la mi-juillet, Dame nature ornera sa robe de bal de boutons de framboises et de quelques perles de bruyère. Coule le temps entre les pattes du chien…
Clohe
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