Maridan-Gyres

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Atelier 4 - 2022 - sujet 1

 

 

Une belle grand-mère.

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Jeanne, que l’on pouvait honorer du vocable de jolie mamie, tant elle était restée coquette et pomponnée avec ses belles boucles de neige et ses petites lunettes rondes, n’avait dû sa résilience qu’à la passion qui l’avait animée ses dernières années de vie.

 

Le nombre pesant de ses printemps l’avait depuis longtemps limitée dans ses déplacements, mais taper sur un clavier restait encore dans ses possibilités physiques.

Heureusement, bien qu’un peu contre son gré pendant de sa carrière professionnelle, elle avait acquis des rudiments d’informatique. Ces bases élémentaires lui permirent de gérer sans trop de difficultés les écrits et autres souvenirs qu’elle transforma en histoires.

En effet, cette vielle dame espiègle et rieuse s’était passionnée pour l’écriture les dernières années de sa longue et souvent harassante vie. Elle regrettait de ne pas avoir cédé à l’appel de la muse quelques décennies plus tôt. Passionnée de lecture, elle aurait aimé devenir une écrivaine connue et reconnue. Une Georges Sand, une Leïla Bekhti, ou pourquoi pas une Régine Desforges dont elle dévorait les romans il y a de nombreuses années.

 

Mais hélas conjuguer sa vie professionnelle et familiale ne l’avait pas autorisée à trouver le temps nécessaire pour noircir du papier à des fins personnelles. Avec la naissance de ses enfants, ce doux rêve était carrément passé aux oubliettes. Son futur s’était trouvé tout tracé ne laissant aucune place aux divagations d’une auteure en herbe.

 

Son chef de mari, épousé très jeune et rapidement à la tête d’une brigade de plusieurs cuisiniers, fut toujours dans l’impossibilité de lui apporter quelque aide que ce soit. Au contraire, il déléguait tout ce qui n’était pas cuisine à sa chère et tendre épouse et surtout bien dévouée. Cette collaboration gratuite était pour lui une manne du ciel même si Jeanne n’était pas de la partie lors de leur rencontre. Elle avait dû, pour seconder son époux, se former en gestion et autre comptabilité.

Leur « affaire » tournait bien et la charge de travail qui en découlait pour la jeune femme ne lui laissait jamais le temps d’écrire pour son plaisir. Commandes, factures, règlements et bien d’autres tâches encore étaient son quotidien.

Lorsqu’enfin l’heure de la retraire put lui laisser espérer un peu de temps libre, la maladie suivie de la disparition de son cher époux la précipitèrent dans les affres d’un deuil difficile.

 

Malgré son affliction profonde et sincère Jeanne qui avait toujours fait face avec détermination à l’adversité, se rappela que souvent les mots pouvaient devenir une source de réconfort voire de salut.

 

C’est ainsi que sans en faire allusion à quiconque, elle commença timidement à coucher quelques lignes sur le papier. Un grand cahier fut consacré à ce début de confidences. Elle y mit d’abord ses peines et son chagrin, puis ses souvenirs et ses bonheurs avec celui qui l’avait accompagnée pendant de longues années. Il y eu rapidement davantage de belles évocations que de mauvaises. Elle reprit pied peu à peu et décida de mettre au clair toutes ces phrases déposées un peu en vrac suivant ses humeurs et ses besoins. Jeanne ressortit alors son vieil ordinateur et commença à lui confier ce qui était un peu son jardin secret.

 

Puis un événement heureux qu’elle souhaitait immortaliser l’incita à proposer à son fils la lecture de son dernier écrit. Son aîné venait de lui offrir pour son plus grand bonheur la naissance d’une petite fille.

 

Devant l’enthousiasme du nouveau papa, elle reprit sa plume de plus belle et osa se lancer dans la narration d’histoires plus abouties nées de sa fertile imagination ou encore de la réalité revisitée.

Après avoir imaginé de jolis poèmes à la gloire de la nouvelle venue, elle se mit à écrire de petites nouvelles, mais aussi des contes avec pléthore de bestioles et étranges personnages Ces derniers vivaient des drôles de péripéties à la plus grande joie des enfants qui riaient beaucoup à l’écoute de leurs aventures. Ils en redemandaient et souvent la belle grand-mère devait improviser une suite qu’elle n’avait pas encore écrite.

Jeanne vécut une douce consolation ces dernières années à travers ces mots qu’elle avait enfin pu mettre en forme pour le bonheur évident des petits, mais aussi des plus grands.

 

Certes, elle ne connut jamais de parution officielle, mais tous ceux ayant eu la chance de croiser son chemin, à cette époque, ont gardé le lumineux souvenir de cette vieille dame solaire, répandant le bonheur et la joie de vivre autour d’elle.

 

Chacun avait envie de remercier Jeanne du rayonnement qu’elle avait pu dispenser autour de sa petite personne et qui perdure encore aujourd’hui par son souvenir.

 

KIKA.04.03.2022.



10/03/2022
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