Atelier 20 - 2021 - sujet 3 image 8
Papily
Un après-midi pluvieux, me voici plongée dans la boîte à photos. Je retrouve celle-ci et les souvenirs affluent.
Petite fille, nous quittions la ville dès les vacances et nous séjournions dans notre maison à la campagne, nichée dans un petit village.
Un jour, pas plus haute que trois pommes, je m’étais sauvée et j’avais rejoint un vieil homme assis devant sa maison. Sans cérémonie, je lui avais collé ma poupée dans les bras et lui faisais la conversation. Mes parents m’avaient au début sermonnée, mais dès qu’ils avaient le dos tourné, j’y retournais. De guerre lasse, ils avaient abandonné.
Papily, je l’avais surnommé ainsi, était l’ancien épicier du village. Sa maison jouxtait le petit commerce. Son fils avait repris l’affaire et le père donnait de temps en temps un coup de main.
C’était un bel homme avec d’épais cheveux blancs, ses yeux d’un bleu profond pouvaient exprimer malice, bienveillance et intérêt mais ils pouvaient virer au bleu nuit s’il était en colère ou contrarié.
C’était un taiseux, disaient les gens du village, mais ce trait de caractère ne me freinait pas car je parlais pour deux.
Fidèle à son poste, il m’attendait toujours sous sa tonnelle, été comme hiver. J’ai su bien plus tard que Maman contactait son fils avant notre arrivée.
Papily m’avait fabriqué une petite chaise en bois, ainsi je pouvais venir babiller à ses côtés. Je partageais avec lui mes goûters et bonbons. Maman avait surpris notre manège et améliorait mon ordinaire avec des parts de gâteaux ou de tranches de pain faits maison. Notre festin était complété par du jus de pomme et des confitures fabriqués par le vieil homme. L’hiver j’avais droit à un chocolat bien au chaud dans sa cuisine. Après le goûter, il sortait son harmonica et me jouait des airs endiablés. Il m’avait appris à battre la mesure avec mes mains et mes pieds. On nous entendait de loin dans le village. Parfois, une connaissance se joignait à nous et la maisonnette résonnait de chants, musiques et rires.
Quand je fus un peu plus âgée, il m’offrit mon propre instrument. D’une patience infinie, il guidait mes doigts et m’encourageait. Je pus bientôt jouer quelques airs avec lui.
Son autre passion était la nature et surtout les oiseaux. Son jardin bruissait de leurs chants et était agrémenté de petites maisons pour nicher, des mangeoires et des abreuvoirs. Il passait son temps à les fabriquer lui-même.
Il m’appelait «sa petite hirondelle», comme elle je pépiais sans arrêt et je repartais pour d’autres contrées dès la fin des vacances.
Nous partions en balade tous les deux, il m’apprenait à reconnaître les arbres et le cri des oiseaux. Papily sculptait des petits sifflets dans des écorces d’arbre et nous pouvions imiter le chant de certains oiseaux. A la morne saison, nous faisions un feu en plein air et nous faisions griller des chamallows. Nous sortions ensuite nos harmonicas et nous faisions concurrence aux oiseaux. Que de complicité !
Un jour, pas de Papily, seule une petite maison m’attendait (cette dernière est toujours dans mon jardin) accompagnée d’un petit mot :
« Petite hirondelle, j’ai rejoint le monde des oiseaux et de là-haut je chanterai toujours dans ton cœur. Ecoute-le, reste libre, vis. Ton Papily ».
La Reinette
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