Atelier 20 - 2021 - sujet 3
DESTIN…
Un regard profond que la tristesse et la douleur rendent impénétrable. Un regard qui a dû faire chavirer les cœurs à l’époque de sa splendeur. Des lèvres sensuelles qui ont embrassé et caressé peaux de satin et corps alanguis. Une belle assurance en filigrane dont ce conquérant a usé et abusé il y a encore si peu de lunes.
Le pouvoir et la séduction étaient son quotidien. Ses concurrents et ennemis, il les réduisait à néant en fin stratège qu’il était. Son nom apparaissait : la concurrence tremblait, les femmes se pâmaient. Il méprisait le pessimisme, le renoncement, ne connaissait pas l’échec. Seules, ambition, conquête et réussite trouvaient grâce à ses yeux. La pitié, il ne connaissait pas et la soumission imposée à ses adversaires était pour lui jubilatoire. Rien ni personne ne pouvait ralentir son ascension frénétique. Beaucoup de ses collaborateurs ou opposants étaient perplexes devant sa vitalité, son énergie et son endurance. Certaines rumeurs circulaient même dans les couloirs de la holding.
Cependant, pour ce patron du CAC 40 c’était une lutte incessante avec le passé, ses origines qu’il voulait oublier se persuadant même qu’il y avait sûrement erreur et confusion dans ses lointains souvenirs.
Rien ni personne ne pouvait ralentir son ascension frénétique. Il avait l’âme d’un conquérant et son essor constant annonçait une fuite en avant vers une sorte de consécration sublime. Il se sentait invincible, immortel, l’éternité semblait lui appartenir.
Qui aurait pu soupçonner ce qui animait l’esprit de ce pénitent crasseux en robe de bure, un baluchon sur des épaules voutées, les pieds nus dans des sandales éculées et poussiéreuses.
Sa déroute irréfléchie sur les chemins de Compostelle n’avait pas mis fin à ses terribles cauchemars. L’accident dans la nuit brumeuse, le choc violent envoyant un cycliste dans les airs, le bruit sourd d’un corps retombant sur le sol, le dérapage mal contrôlé pour l’éviter, la prise du pouls qui semblait inexistant, l’appel des secours avant de prendre la fuite…
Ces terribles images défilaient incessantes dans la tête de ce patron de la finance. Anéanti, incapable d’envisager la suite de son existence si l’enquête qui allait suivre faisait le lien avec ce ténor de l’industrie imbibé de cocaïne… Les rumeurs n’étaient pas gratuites… Lui qui avait triomphé de tant de situations scabreuses n’avait vu son salut cette nuit là que dans la fuite. Sautant dans son avion personnel au mépris des règles de sécurité il s’était envolé vers l’Espagne. Après un atterrissage de fortune au milieu de nulle part, il avait pris la route à pied vers la Galice. Une halte dans un monastère lui avait permis de trouver une tenue plus adaptée au pénitent qu’il était devenu. Il était désormais seul face à son passé, sa culpabilité, sa honte.
Plus dure était la chute après l’excellence qu’il avait vécue. Le chemin Compostelle fut son « ile de Sainte Hélène, il y acheva sa vie si jeune encore, aussi misérable que le jour de sa naissance.
KIKA 13.01.2022.
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