Atelier 20 - 2021 - sujet 2
Déjeuner sur l’herbe
Minable marlou de bas étage, le poil hirsute et le cheveu en broussaille, Maurice ce demi- sel à la gueule d’ange avait embarqué la timide et fraiche Fanny à bord d’un frêle esquif en vue d’une promenade qu’il lui promettait romantique. Il lui avait annoncé la « croisière » de ses rêves jusqu’à la presqu’ile de Giens.
Après l’accostage, Maurice lui tendit la main avec condescendance afin qu’elle mette pied à terre sans devoir mouiller ses jolis escarpins vernis. Il lui assura que le bosquet tout proche serait idéal pour accueillir leur repas champêtre.
Le nécessaire de pique-nique s’étala sur une belle nappe à carreaux rouges et blancs. Frugal, fut le repas, mais néanmoins copieusement arrosé. Le vin de Corbières gardé au frais dans des bouteilles de grès coulait à flot. Fanny commençant à ressentir quelques vapeurs et vertiges tenta de négocier l’arrêt d’une consommation à laquelle elle n’était pas accoutumée. Innocente, mais pas stupide, elle avait bien conscience que son compagnon se saoulait aussi de paroles et devenait de plus en plus entreprenant. Il lui fit miroiter de mirifiques projets et continua en déclarant vouloir y associer la belle Fanny. Le vin et la chaleur aidant, le bellâtre dû se libérer de son faux-col qui retenait son cou prisonnier. Enfin plus à l’aise et s’enhardissant, il glissa subrepticement une main conquérante sous la jupe fleurie de la jeunette, tandis que de l’autre il l’enlaçait fougueusement et prit goulûment sa jolie bouche. Ecœurée par son souffle alcoolisé, elle le rejeta violemment avec l’énergie du désespoir et lui cingla la joue d’une gifle percutante. Un instant surpris par la vivacité de la réaction de la jeune fille, il ne se découragea pas et revint à l’assaut plus déterminé que jamais. La pauvre Fanny devina en une seconde l’ignominie qui allait suivre. Etouffée sous le poids de l’odieux personnage qui en voulait manifestement à sa vertu, elle chercha de sa main libre quelque chose pour se défendre et le dissuader de sa vile entreprise. Une bouteille de grès vide avait roulé près du couple lors de l’offensive de l’affreux marlou. L’empoignant fermement alors que sa virginité était en grand danger, Fanny mit toute son horreur et son énergie en assénant son arme de fortune sur la tête de son agresseur.
Véritablement assommé, il lâcha prise et la jeune fille pu enfin se libérer de son étreinte malsaine. Avant qu’il ne reprenne ses esprits elle courut vers la barque qui les avait amenés jusqu’à cette plage à l’abri des regards indiscrets.
En ramant avec rage, elle remercia par la pensée ce grand frère qui l’avait initiée elle, un peu garçon manqué, et ses autres frères à l’art du canotage dès son plus jeune âge.
Ce fut d’ailleurs à lui qu’elle confia sa mésaventure en arrivant saine et sauve au logis familial.
Après l’avoir fermement tancée pour son imprudence et sa légèreté il la prit dans ses bras protecteurs et lui fit part de la réputation du beau Maurice.
Ce souteneur était connu pour être à la tête d’un joli lot de petits minois aussi naïfs que le sien et dont il avait fait ses esclaves soumises et très lucratives.
Fanny s’effondra contre son frère, effarée par la peur rétrospective qui s’empara d’elle et la fit défaillir…
L’honneur était sauf ce jour-là et la jeune fille crut vraiment en son ange gardien. Lorsqu’elle fut remise de ses émotions, elle qui ne mettait jamais les pieds dans une église courut allumer un cierge aux pieds de la belle madone dans la petite chapelle de son hameau…et pria de toute son âme…
KIKA.22.01.2022.
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