Atelier 2 - 2021 - sujets 3 - 4 - 5
Sujet 3
Un lundi comme les autres
Photo d'Edouard Gordeev
Un lundi comme les autres… Première journée d’une semaine qui s’annonçait sans surprise.
D’abord, cette pluie, fine et serrée, qu’était venu perturber un rayon de soleil, apportant avec lui un arc-en-ciel qui semblait s’excuser d’être là. Un œil sur le terrain de jeu m’avait suffi pour comprendre que les panneaux de basket-ball ne résonneraient pas des ballons lancés à la volée. Il fallait s’attendre à faire les cent pas chacun dans son 9 m², écrasant à la chaîne les pensées délétères qu’une situation d’enfermement extrême provoquerait indéniablement.
Je vous l’ai dit : un lundi comme les autres…
Je me souviens… pêcheur en haute-mer, la promiscuité avec mes compagnons était de mise, pendant les longues campagnes qui nous tenaient éloignés de nos terres. Mais c’était une promiscuité à ciel ouvert, lorsqu’il fallait remonter le chalut regorgeant des bancs de poissons traqués pendant des heures entières. L’air du large emplissait nos poumons, et nous savions que nous étions libres. Unis dans l’adversité des éléments, nous comprenions ce que le mot cohésion signifiait.
Ici, dans cet espace clos où l’air marin n’atteint pas nos narines, les délations sont légion. Pour un regard qui tarde à se tourner vers le sol, pour une part de viande qui n’a pas été cédée. Mais surtout… surtout… pour espérer s’attirer les bonnes grâces de surveillants trop zélés ou de chefs de clans protecteurs. Les heures s’égrènent, moites, hurlantes, l’angoisse monte, les murs fins comme des feuilles de papier à cigarette se tordent de douleurs étouffées… Ce grain de sable qui peut faire s’embraser la machine carcérale sans attendre le sifflet du chef de gare. Chaos imminent… Souffle destructeur. Paralysie des sens lorsque la pensée ne suit plus. Bombardement cardiaque…
Je ferme les yeux… respire profondément… silence… Je les rouvre... le mur devant moi m’offre une brèche sur un jardin de senteurs. Un parterre de magnolias, ma fleur préférée, étend ses roses tendres et ses jaunes pâles vers l’azur ensoleillé. Des fleurs d’une noblesse étonnante, qui ne se développent que sous le couvert des arbres, lorsqu’elles sortent de terre librement. Je déambule lentement au milieu de cet Eden coloré et odorant. Qu’il m’est plaisant de m’offrir une errance sans barreaux ni échos de haine.
Ne vous l’ai-je pas dit ? Un lundi comme les autres
Sujet 4
Instants volés à l’oubli
Assise sur un banc, languissante au soleil, telle une rose
Personne alentour ne semble la voir, ni l’entendre gémir
Seule la nacre de la mort, poudrée de cendres, l’arrose
Son repos éternel viendra, elle en est sûre, à Bendémir.
Invisible à qui ne peut voir, irrémédiablement, elle replonge
Soudain se sent plier, s’affaisse, fragile et flexible roseau
Souffle de vent, tourmente aérienne, glisse vers ses songes
Juste égayés du pépiement sonore et vibrant d’un oiseau.
La mémoire en miettes de vie et le regard azuré et tendre,
Se raccroche aux contours d’un nuage vaporeux, enchanté
Tend sa main, veinée de rides, vers ce qu’elle croit entendre
Quelques mots prononcés sur un lit de notes, refrain chanté
Du temps de sa splendeur féline et fière, des têtes couronnées
D’ici, de partout, et d’ailleurs, silencieuses, l’écoutaient gémir
Des airs à huit octaves, oratorios, sonates, que des voix fanées
Avaient fait s’enterrer, jadis, sous les lustres de Bendémir.
Alors au sommet de son art, de sa beauté et de ses charmes,
Elle goûtait au plaisir inassouvi d’un immortel et fier tombeau
S’interdisant chaque jour de noyer du torrent de ses larmes
Tout ce qu’elle pourrait vivre, ressentir, et oublier de beau.
Il ne sera bientôt plus temps de s’envelopper de folles rêveries
La peau du ciel, zébrée de nuit, se recroquevillera, finira par gémir
Gorgeant de ses dernières forces les scènes immenses et fleuries
Son repos éternel viendra, elle en est sûre, à Bendémir.
© Ouvrez les Guillemets - 09.04.2021
Sujet 5
Références des tableaux : 1. Terrasse du café le soir? 2. Nuit étoilée sur le Rhône? 3. Chambre à coucher
INVENTAIRE :
La maison est là, quelque part,
Dans la ville
Petite, droite, solitaire
Pour deux
Une seule chambre
Pour deux
Un lit étroit
Pour deux
Fait de ce matin
Un édredon rouge
Elle aime le rouge
Lui non
Pas de tapis au sol
Il préfère
Elle non
Sur la table, en vrac
Un broc et une cuvette de toilette
En faïence
Un pichet et deux verres
Le sien, à lui,
Le sien, à elle
Un porte-savon avec du savon dedans
Une brosse à cheveux
Au mur, une serviette pendue à un clou
Juste à côté, un miroir
Un porte-manteau derrière le lit
Un chapeau, des vestes
Partout, des tableaux
Des portraits,
Leurs enfants ?
Des paysages
Deux chaises
La sienne, à lui
La sienne, à elle
Pas d’armoire
Ils ont si peu
Tout est bien rangé
Tout est à sa place
Elle aime l’ordre
Lui moins, mais il l’aime, elle
Ce soir, ils ne rentreront pas
La fenêtre est restée ouverte.
© Ouvrez les Guillemets - 09.04.2021
Visitez le blog de Claire : https://www.ouvrezlesguillemets63.com/
A découvrir aussi
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 487 autres membres