Atelier 19 - 2023 - Sujet 4
La ferme de Rose
Ce matin-là en me levant, je n’aurai jamais imaginé que ma vie allait changer.
Mon téléphone sonne. A l’autre bout du fil un notaire m’annonce que je viens d’hériter de la ferme de ma Tante Rose !! C’est une blague ?!
Pas du tout ! Le monsieur reste sérieux et me convoque pour le lendemain afin de me remettre les actes notariés et les clés.
Rose était mon arrière-tante maternelle. Une femme au grand cœur mais rude car la vie ne l’avait pas épargnée. Veuve pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle avait élevé seule ses 4 enfants et avait fait tourner le domaine de main de maître. L’été, elle accueillait une cinquième enfant, ma maman. Sa sœur étant décédée, elle offrait à l’orpheline pendant 3 mois, la chaleur d’un foyer. A 80 ans, toute cassée par les travaux des champs, elle enfourchait encore son vélo pour aller se promener sur les bords de la Loire. Elle n’avait pas été à l’école très longtemps, et pourtant c’était un puits de connaissances.
Devenue propriétaire, je me rends aussitôt au domaine situé au Vivier, sur les bords de Loire, à quelques kilomètres de Blois. Devant les hautes grilles, les souvenirs m’assaillent. Je revois mon frère Dimitri tombé dans la fosse à purin. Maman avait dû le passer au jet tout habillé avant de le plonger dans un baquet d’eau savonneuse.
D’un côté les communs, avec la maison des lapins et leurs claviers, puis la porcherie transformée en poulailler. Vient ensuite l’étable où Rose élevait 4 vaches (toujours bien entretenues, elles étaient brossées tous les soirs). Au-dessus se trouve le grenier à foin. Tout au bout, on tombe sur le hangar où étaient garés le tracteur et le matériel agricole.
De l’autre côté, on arrive sur la partie habitation. Mon oncle Georges avait fabriqué une longue barrière sur roulettes pour empêcher l’invasion des gallinacés. Un gros tilleul vous accueille. Son large feuillage bienfaiteur l’été, fait office de tonnelle. De l’autre côté, un préau qui autrefois servait de pressoir.
La maison troglodyte s’adosse à la roche. En-dessous de très belles caves voûtées où étaient stockés les bocaux faits maison, les bouteilles de vin et limonades.
Quelques petites marches et on entre dans la cuisine toute en longueur, un imposte en hauteur permet d’avoir un peu plus de lumière et donne sur le sol du potager. Ma tante cuisinait sur un poêle à bois un délicieux bœuf miroton qui mijotait doucement pendant des heures. Et je ne vous parle pas de son gâteau de Savoie si léger !
La pièce qui jouxte est la salle où l’on reçoit. Dans une alcôve, on trouve un lit. Cette pièce servait aussi l’hiver de chambre à coucher car il y a un second poêle à bois. Pour entrer dans la salle de bain, il faut baisser la tête car elle est voûtée. Pas de toilettes ! Les besoins se faisaient dans l’étable et la nuit on se servait d’un pot de chambre.
Un escalier très raide donne sur les chambres, celle d’été pour ma tante et une autre plus vaste où l’on pouvait dormir à plusieurs. D’épais draps en coton et des édredons moelleux recouvraient les lits. Il faisait bon s’y blottir quand il faisait froid ! Avant de s’y glisser, on passait la bassinoire pour enlever l’humidité dans le couchage.
La chambre de Rose donne sur un petit balcon et quelques marches montent au potager.
Les souvenirs c’est bien, mais, que faire d’une ferme ? Ma vie est à Paris et je n’ai aucune expérience en la matière.
Le village est petit et se compose d’une mairie et d’un bureau de poste (ouvert 2 fois par semaine !)
Deux ans plus tard, je suis installée au Vivier. Après mûres réflexions, j’ai gardé le domaine et j’ai changé de vie. J’ai rencontré le maire qui m’a appuyé dans mes démarches qui permettent aussi de dynamiser le village.
Grâce aux subventions, l’étable s’est transformée en maison des invités. Quand famille et amis n’y sont pas, je la loue en airbnb. L’ancien tas de fumier est devenu un charmant jardin où poussent notamment des plantes aromatiques.
A la place du hangar, une alimentation où je vends fruits, légumes, fleurs issus de mon potager. J’ai démarché des petits producteurs locaux pour la viande, le pain et autres denrées. Je vends également des produits de première nécessité.
La maison a été modernisée et agrandie en tenant compte des spécificités d’un logement troglodyte. Le préau est maintenant une belle cuisine véranda.
Aux beaux jours, tables et chaises colorées sont sorties et un salon de thé éphémère trouve sa place sous le tilleul. Pâtisseries faites maison, boissons chaudes et froides figurent sur le grand tableau noir. Les gens du village aiment venir s’y installer et les enfants peuvent jouer sans danger. Les touristes, l’été, commencent à connaître l’adresse.
A long terme, nous avons le projet de lancer des ateliers créatifs et musicaux. Pour ce faire, nous aimerions accueillir des réfugiés. Nous allons réhabiliter quelques maisons anciennes à l'abandon. Ainsi nous pourrons leur offrir un nouveau foyer et du travail. Leur apport culturel sera un véritable plus dans la réalisation de notre projet. Affaire à suivre…
Si vous passez au Vivier, je serai heureuse de vous accueillir à “la ferme de Rose”.
La Reinette
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