Atelier 17 - 2021 - sujets 1 et 4
COMME UNE PLUME AU VENT
Illustration : Minimaliste minimal art peinture abstrait dripping noir et blanc.
Que reste-t-il du luisant mainate si disert, quelque peu bousculé par l’irruption impromptue et jubilatoire de Gribouille une majestueuse minette de ses voisines ?
Imaginez une abstraction aérienne de plumes sombres et légères semblant voleter graciles, en improbables nuées portées par un souffle étésien et vous aurez compris le triste sort advenu au bel emplumé…
Une escalade, ne présentant rien d’héroïque pour ce félin intrépide, lui avait permis de surprendre le volatile à la cime d’un magnifique érable pourpre. Son port élancé dominait superbement un jardin richement aménagé de multiples plantations odorantes, florifères et autres arbustes aux feuillages multicolores. L’oiseau téméraire s’était senti hors d’atteinte au sommet de cette masse feuillue qui lui semblait gigantesque et impénétrable. Être perché au zénith de la frondaison le rendait inatteignable ; sa petite cervelle en était convaincue. Il fallait être oiseau pour atteindre une telle élévation et de ses compères il ne craignait rien.
C’était bien sûr sans compter avec l’obstination et la détermination de Gribouille la chasseresse. Sa passion pour tous les jolis passereaux qui s’égaillaient inconscients dans ce bel espace vert qu’elle avait fait sien, n’était plus à démontrer. Alors un mainate, on peut imaginer la salivation gourmande à l’idée de ce festin. Elle l’avait repéré depuis peu, occupant une belle cage dorée installée dans l’habitation voisine. La minette en bavait d’envie alors que la baie vitrée restait ouverte. Je l’aurai se disait-elle, je l’aurai, et l’on devinait le frémissement de ses longues et fines vibrisses. Cette attente faisait distiller une délectation impatiente qui peuplait les rêves de ce félin.
Certains matous auraient renoncé devant la difficulté d’approche, mais notre féline n’était pas d’un caractère à renoncer sans combattre. Elle avait appris à connaître « l’insoutenable légèreté de l’être » et la faillibilité de la main humaine. Elle ne voulait surtout pas risquer de s’égarer en allant chasser sur des terres inconnues et peut-être hostiles, alors qu’un plat de choix allait sûrement se proposer à sa dégustation.
Fine mouche et d’une patience à toute épreuve, quel ne fut pas le bonheur de la belle minette d’entendre un battement d’ailes s’échappant de la maison toute proche. Elle suivit un instant le vol heureux du « prisonnier » qui venait de s’évader et repéra aisément son aire d’atterrissage. L’oiseau n’en croyant pas ses yeux se mit à remercier le ciel qui pouvait enfin l’accueillir. Tout à son discours il n’entendit pas le danger se faufiler à travers le feuillage touffu. Les branches serrées permettaient une progression sans difficulté à la chatte évoluant tout en légèreté.
Quand deux yeux dorés et luisants d’appétit fondirent sur le malheureux mainate il était déjà trop tard pour songer à reprendre son envol. Il se battit vaillamment, mais ni les coups de bec ni les coups de griffes ne purent mettre en échec l’assaut fatal de Gribouille. Le bel érable fut couronné d’un nuage de plumes noires portées par le vent d’ouest qui venait de se lever.
Repue, sans aucun état d’âme, la meurtrière redescendit lentement vers le jardin son domaine, et en toute innocence alla se pelotonner sur les genoux de sa jeune maitresse qu’elle gratifia de ronronnements de plaisir. Il était temps de se poser pour une digestion en toute quiétude.
Kika
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