Atelier 17 – les mots de Montpellier 2017
Atelier 17 – les mots de Montpellier
1er sujet :
Le mur de pierres = la sécurité
Le fauteuil massant = le réconfort
Le living en construction = l’admiration
Le travertin au sol = la chaleur
Le piano = l’émotion
Le miroir = l’épreuve
L’escalier à pas japonais = l’angoisse
La lampe d’ambiance en bois = la tendresse
Les canapés jaunes = la détente
Mon ordinateur portable = l’évasion.
2ème sujet :
Il avait failli perdre la raison. Il avait vu ces hommes, qu’il avait toujours considérés comme des amis, devenir des monstres sanguinaires. Ils s’étaient attaqués aux siens, à son peuple sans défenses et ils les avaient massacrés. Mais quelles espèces d’hommes pouvaient se conduire ainsi ?
Parce qu’il n’avait pas eu la chance de naître dans la bonne famille, la bonne culture, la bonne religion, d’autres avaient décidé de franchir le cap et un matin, ils les avaient anéantis. Sa mère, son père, ses deux petites sœurs et le nouveau-né de sa sœur ainée Lui avait été épargné, parce que ce matin-là, il était parti chercher de l’eau. Malheureusement, l’épreuve ne s’était pas arrêtée là. Quand il avait trouvé les corps, à son retour, il avait dû les mettre en terre. Puis sa fuite à travers le pays avait commencé. Que de massacre il avait vu ! Un matin, il avait réussi à quitter le Centrafrique caché sous un camion. Il avait mis bien du temps à traverser le Congo et l’Ouganda, enfin il était entré au Kenya après des nuits passées à marcher. Cette traversée africaine avait pris des mois et un beau jour, il avait atteint une forêt près de Kakaméga. Elle était dense, peuplée de toutes sortes de bêtes et de plantes qui lui avaient permis de survivre des mois durant.
illustration : Singe Kakamega
Un jour, il avait croisé une expédition venue là pour observer le cercopithèque à diadème. Un magnifique singe noir et blanc. Il leur avait proposé ses services pour le pister et c’est ainsi qu’il avait commencé à travailler et à gagner sa vie. Pas question de laisser passer sa chance, alors il avait trimé dur, faisant bien plus d’heures que nécessaire.
Au bout de six mois, il était devenu leur ami. Au fil du temps, il avait su se rendre indispensable, aussi quand la mission s’était achevée, ils lui avaient proposé un job à temps plein. Il avait tout de suite accepté. Mais ils n’avaient pas pu l’intégrer, car il n’avait plus de papiers d’identité. A une semaine de leur départ, le hasard lui avait fait trouver un portefeuille à la sortie du dépôt alimentaire. A l’intérieur, il avait trouvé le fameux sésame. Une pièce d’identité avec une photo qui lui ressemblait vaguement. Pour les blancs, ils se ressemblaient tous.
Ravie l’équipe avait demandé son passeport et ils avaient retardé leur départ de dix jours. Lors de son passage à l’embarquement, il était terrifié. Si un obstacle survenanit, il n’échapperait pas à la prison pour vol de papier. Mais tout s’était bien passé, et pour la première fois de sa vie, il était monté à bord d’un avion. Adieu la jungle et ses compagnon les singes noirs à queue et barbe blanche.
A son arrivée à Paris, il s’était retrouvé sous dépendance de ses amis. Mais ils ne l’avaient pas laissé tomber. Il avait adoré les principes de cette république « liberté, égalité, fraternité ». Petit à petit, il avait suivi des cours et évolué. Puis il s’était marié.
Aujourd’hui, vingt ans se sont écoulés. Assis dans son fauteuil massant, il savoure le réconfort que lui procurent les rouleaux dans son dos. Toute la tension de sa journée disparaît lentement. Dans le canapé face à lui, sa femme se repose. Ses enfants montent en courant l’escalier à pas japonais et cela, une fois de plus l’angoisse. S’ils tombent cela pourrait être dramatique, mais ses gamins maîtrisent parfaitement la montée de ces marches. Plus il se détend et plus il se sent bien dans ce salon où il est en passe de terminer un living qu’il a réalisé d’après un modèle de Jean Claude Mahey, un designer des années 1970. Sa femme ne cesse de lui faire part de son admiration pour sa magnifique réalisation. Déjà trois mois qu’il travaille dessus. Il ne lui reste plus qu’à terminer ses portes en laque ivoire. Devant lui, il regarde avec tendresse la merveilleuse lampe en bois que ses enfants lui ont offert pour Noël. Après une sieste bien méritée, il prendra son ordinateur et cherchera un joli voyage à leur offrir à tous les trois. Son ordinateur c’est son évasion à lui. Il se revoit gamin courant à perdre haleine avec ses petits camarades en Centrafrique. A cette époque la vie était simple mais si belle. Alors quand ses images reviennent le hanter, il tape Centrafrique sur Google earth et il survole son pays et il revoit sa famille, ses amis, tous ces êtres chers disparus, mais toujours présents en son cœur. Sa mère lui disait tout le temps que rien ne meurt jamais.
« Nous changeons juste de plan. Même absente, je continuerai de veiller sur toi, mon petit. »
Elle l’avait fait. Jamais au cours de ces années d’angoisse et d’errance il ne l’avait sentie absente. Toujours elle avait été là, réchauffant son cœur et son âme quand la route devenait trop difficile. C’est à tout cela qu’il songe en posant ses pieds nus sur le travertin de son salon. Il sent la chaleur du sol se répandre dans son corps. Oui, il a su construire un nid protecteur pour sa famille et ses amis et de cela il en est très fier.
Maridan 29/09/2017
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