Maridan-Gyres

LMDM 2024-17-4

(19 Février 2025)

Vous dormez à poings fermés lorsque soudain, une personne que vous aimiez et qui a disparu vient vous parler. Que vous dit-elle ?

René et moi

Ils sont fous ces romains !

Du calme, Joe !

Je veux devenir calife à la place du calife !

Tais-toi, Averell ! 

• René ?
• Bonjour, JeanBat, Dis-donc, tu dormais profondément, il faut crier plusieurs fois pour te réveiller !
• Mais…Que faites-vous sur mon lit ?
• Hola ! Pas de manières entre nous, tu peux me tutoyer.
• Ce que je fais là ? : Je suis avec toi. D’ailleurs, ne l’ai-je pas toujours été ?
• C’est vrai, tu y es depuis mon enfance, quand tu as commencé à prendre en mains avec bonheur les scénarios des LUCKY LUKE.
• Nous avons passé tant d’heures ensemble, allongés tous les deux.
• Tu as donc commencé à lire les bandes dessinées par les aventures du cow-boy solitaire ?
• Pas tout à fait. Auparavant, j’avais découvert la BD par des illustrés petit format de piètre qualité qu’on nous offrait au club MICKEY l’été : Kit Carson, Tex Tone, Battler Britton, Garry Pacifique…
• Ah, les fameuses éditions lyonnaises IMPERIA !
• Toutes à la gloire de l’Amérique et de l’Angleterre. De véritables ouvrages de propagande et d’endoctrinement de la jeunesse dans lesquelles les yankees et les tommies, à un contre dix, se jouaient des indiens, des nazis, ou des japonais rebaptisés « faces de citron ».

• Le Journal de Mickey ?
• Les moniteurs le distribuaient également en récompense au club de plage mais ce Journal était décevant, plutôt médiocre, très loin d’être au niveau des dessins animés DISNEY.
• Sais-tu qu’après la seconde guerre mondiale, j’ai tenté ma chance à NEW YORK pendant plusieurs années durant lesquelles j’ai rencontré de nombreux dessinateurs, sans réussir à réaliser mon rêve : Trouver un métier en rapport avec ce que j’aimais le plus, rencontrer Walt DISNEY et travailler pour lui.
• René GOSCINNY chez Walt DISNEY, je rêve !!! Je n’ose imaginer le résultat si tu avais mis ton talent à son service.
• Tu voulais donc être DISNEY à la place de DISNEY ?
• j’ai mangé de la vache enragée.
• Après quelques années de chômage désespérant, j’ai fini par percer à PARIS à la fin des années cinquante seulement.
• Et moi j’ai fait ta connaissance au début des années soixante, obtenant de haute lutte avec mes parents un abonnement à PILOTE dont tu venais d’être nommé co-rédacteur en chef.
• Grâce à toi, j’ai découvert la bande dessinée de qualité, inventive et libérée,
• qui parlait autant aux adultes qu’aux enfants.
• Tu étais devenu auteur majeur pour un art mineur devenu neuvième art.
• N’éxagérons pas !
• Tu rigoles ! ASTÉRIX, LUCKY LUKE, IZNOGOUD, Le Petit Nicolas, les Dingodossiers avec GOTLIB, et j’en passe…
• Te rends-tu compte de tout ce que tu as créé ?
• Ne serais-tu pas tombé dans une énorme marmite à idées géniales quand tu étais petit ?

Chaque semaine, quand paraissait PILOTE « Mâtin, quel journal ! », le facteur apportait le bonheur et la joie de vivre dans nos maisons. Merci René !

• Mon moteur, c’est que j’ai toujours aimé faire rire les autres, depuis mon enfance en Argentine où mes parents étaient partis tenter leur chance.
• L’humour était essentiel pour moi, peut-être pour compenser les drames subis par ma famille juive polonaise, portant l’étoile jaune à PARIS.
• Trois de mes oncles maternels sont morts en déportation pendant la seconde guerre mondiale. L’imprimerie parisienne créée par mon grand-père a été spoliée par les nazis…
• Ah ! Je ne savais pas.
• Je ne m’en suis jamais caché, mais n’en ai pas fait état.

• Tu as été découvreur de talents, tu as animé une émission de radio, tu as même écrit des scénarios de films, offrant un rôle inoubliable à Michel SERRAULT, ce personnage de retraité qui ne passe jamais de vie à trépas malgré les efforts désespérés de Michel GALABRU, dit GALIPEAU.…
• Tu sais, JeanBat, j’aurai aimé vivre aussi longtemps que mon Léon GALIPEAU…
• Oh ! Excuse-moi. J’avais oublié que tu nous as quitté prématurément à  51 ans, alors que tu avais encore tant à nous offrir.
• Me lit-on encore, aujourd’hui ?
• Tu veux rire, René ! Tu es l’auteur français le plus lu dans le monde avec plus de 500 millions d’ouvrages vendus ! Des rues, des lycées portent ton nom, jusqu’à Varsovie.

Hier soir, j’ai lu à mon petit-fils, fan de mangas…

• Fan de mangas ?
• Ah oui, excuse-moi, tu n’as pas eu le temps de connaître, ce sont des bandes dessinées japonaises qui font fureur aujourd’hui. J’ai donc lu avec mon petit-fils deux Lucky Luke dont tu as écrit les scénarios, « Billy the kid » et « Les Dalton dans le blizzard ».

Je peux te témoigner : 62 ans après leur parution, la magie opère toujours.

Nous étions morts de rire devant la bêtise d’Averell et les colères de Joe DALTON.

Bien que j’ai un faible pour mon petit Nicolas, la création dont je suis le plus fier, reste cependant ASTÉRIX. Avec lui, j’ai offert un héros national aux français.

• Incroyable ! Traduit dans plus de 120 langues ou dialectes !
• Mais connais-tu le meilleur, JeanBat ?
• Que veux-tu dire, René ?
• Que ce mythe français a été créé par UDERZO, un italien, et par un juif polonais, votre serviteur !
• Ils sont fous, ces gaulois !
• Bonne nuit, JeanBat
• Merci René, à bientôt, j’espère
• Pas trop vite, quand même…
• Zzzzzzz
• Zzzzzz

JB