Maridan-Gyres

Mon ami John

Voilà mon ami John qui traverse la rue pour me saluer, tout sourire derrière sa moustache anglaise, qu'est-ce que cela cache-t-il ?  C’est un garçon fort jovial. Discourir avec lui est un plaisir et son accent enchante la conversation. Seulement, lorsqu’il embraye sur son sujet préféré la couronne britannique, il peut être collant voire quelque peu orchidoclaste. Qui n’a pas un casse-bonbon parmi ses amis ? Et pourtant, il reste notre ami car nous savons qu’il sera à nos côtés en cas de difficultés. N’est-ce pas ce que nous attendons d’une amitié quelque soit ses défauts ? Et puis, John est tellement sympathique que, pour ma part, je lui pardonne facilement.

Le voilà, brandissant le Guardian. Il s’empresse de me le montrer avec une pointe d'ironie non cachée.  A la une, une photo sur la tenue déplorable de nos députés au Palais Bourbon, suivie d’un article moqueur sur l’incapacité des français à former une majorité, comme il se pratique régulièrement chez nos voisins. John jubile. Le journaliste  nous traite de gamins se battant  à la récréation.  Mon ami veut absolument me convaincre de la suprématie d’une monarchie parlementaire sur celle présidentielle. Il me relate avec sarcasme la volonté de certains à démissionner le Président. Sujet hors de question à Londres. Le roi intangible représente le pays quels que soient les différents politiques. Bien entendu, John prend en exemple notamment son pays l’Angleterre, et en vante la stabilité des institutions comparée à la chienlit française, me dit-il goguenard, en reprenant l’expression d’un célèbre général.

John est un fan de la famille de Charles III. Même si au début, il considérait que celui-ci n’avait pas l’étoffe d’un roi, il lui en reconnaît aujourd’hui toutes les qualités. Dans sa maison trônent dans tous les recoins des objets rappelant la famille Windsor : assiettes, mugs, couverts, drapeaux, fanions, kilts aux couleurs du clan et j’en passe, accentuant l’aspect cosy des pièces. Heureusement il vit seul et ne veut personne pour faire son ménage de peur que soit cassé l’un de ses trésors. 

Malgré son âge, John s’est parfaitement adapté aux nouveaux médias et aux réseaux internet. Il a créé son propre blog sur une plate-forme. Il y présente des objets de sa collection, dont il fait régulièrement une rotation. Il a également un chapitre sur les activités des Windsor et ne cesse de décrypter l’actualité britannique afin de mettre en valeur les actions menées par la famille royale. Il se targue d’avoir au moins 9.000 followers.

Bien sûr, hors de question de lui parler de notre Révolution. Aborder le sujet, c’est s’engager à se faire sermonner pendant plus d'une heure sur ce grand malheur qu’à subit la France et dont elle ne se remet toujours pas. La preuve pour John en est l’intérêt que porte la population française aux événements frappant la royauté britannique : les obsèques d'Élisabeth II, le cancer de la princesse de Galle ou de Charles, sans oublier le choc de la disparition brutale de Diana qui a fait pleurer de nombreux français aussi républicains soient-ils. A croire, que notre pays regrette 1793.

John est intarissable et, il faut le reconnaître, toujours pressé à nous apprendre la dernière trouvaille qu’il a faite sur la royauté britannique. Il vous la raconte en trépidant au point qu’il lui arrive de mélanger les deux langues.

Ce qu’il aime, c’est vous attirer dans son antre, et, franchement si vous avez un moment, il faut lui céder. Vous le rendrez heureux de vous faire visiter son petit territoire britannique comme il dit, et surtout il vous offrira une excellente bière venue directement d’Angleterre, à déguster aux sons des cornemuses, dans un fauteuil club vous transportant  dans un véritable pub très british. Et si vous essayez d’inverser les rôles en l'invitant à prendre un boc chez vous, son humour british lui fera trouver une excuse lui permettant de filer à l’anglaise.

Dorémi

Novembre 2024.