Maridan-Gyres

Là, où j'avais subodoré l'indifférence, ma tendre moitié en fait m'observait. Moi, en tant qu'homme sûr de moi et convaincant , je n'ai rien vu venir des évènements.

Pour le coup, ne jamais sous estimer "son adversaire" , en tant que lieutenant à la brigade criminelle ma négligence est impardonnable. En même temps, à mon corps défendant, ma femme ne pouvait être considérée comme "un adversaire".

Janis m'avait reproché six mois auparavant ma froideur, mon manque de disponibilité pour notre couple. Il est vrai que je ne faisais plus d'efforts, que je ne lui posais plus de questions ni sur ses occupations, son travail, ses activités, ses amies. Plus de moments privilégiés comme nous aimions, à tour de rôle, nous faire des surprises pour préserver notre duo, n'ayant pu avoir d'enfant. 

Mon épouse est une femme pleine d'allant, dynamique, enjouée, intelligente, petite brune aux cheveux courts sur un joli visage de chat aux yeux en amande. Coquette, elle s'était lancée avec succès dans le monde de l'édition et était devenue , par sa perspicacité, l'adjointe de la directrice de la maison H........

J'aurais dû me douter , du jour au lendemain elle s'est résignée, à gober mes explications , certes réelles mais "arrangées" à ma sauce. 

De part, mon métier, selon les affaires sur lesquelles je travaille , mes horaires sont "élastiques" mais là, ils l'étaient plus, beaucoup plus. Il m'arrivait de découcher.

Donc, huit mois plus tôt, j'avais intégré le Cabaret : la garçonnière de JACK. Cabaret ultra chic, ultra prisé fréquenté par la "jet set" de notre petite ville voire bien au-delà. La tenancière, comme elle aimait à s'appeler, bien en chaire la cinquantaine , plutôt jolie tenait d'une main de fer son affaire mais un bruit sous-entendait qu'elle blanchissait de l'argent sale - bruit confirmé par mon indic et pris très au sérieux par ma hiérarchie - C'est donc en tant que barmaid que j'y était entré. Or, un peu plus d'un mois après mon arrivée, peu de temps avant que le duo "La Zola" formé par Victor et Joe, Murielle la Tenancière , qui m'avait déjà vu imiter et parodier Joe pendant les répétitions, vint me demander de le remplacer au pied lever. Il venait d'être victime d'un accident. 

Impossible de refuser, tous mes arguments furent balayés et Victor me pris "en main " très rapidement pour me transformer... maquillage, trouver une robe ajustée, bas résilles, talons pas trop haut, perruque blonde, j'avoue que le résultat était sidérant. Outre que je me sentais troublé par cette métamorphose, les mains de mon partenaire qui s'attardaient un peu trop longtemps sur moi rajoutaient encore une couche à ce trouble. 

Notre prestation fut triomphante et j'y pris beaucoup de plaisir . Je remplaçais Joe pendant sa convalescence et finis par céder aux avances de Victor au point d'oublier et ma mission - j'arguais à mon supérieur que j'avais besoin de plus de temps pour des preuves irréfutables - et de rentrer chez moi ou de donner des explications à Janis. Je fus donc surpris un soir d'apercevoir au bar la soeur de ma femme qui après avoir capté mon regard, se décala légèrement. Je vis clairement le mépris dans les yeux de Janis et toutes deux partirent immédiatement. 

Quand le lendemain , je retournai chez moi, les clés de la maison étaient sur la table et une lettre de l'avocat de ma moitié signifiant sa demande de divorce. 

Je n'aurais pas pensé être attiré par un homme, mais c'était venu comme une évidence. Je regrettais de n'avoir pas eu le courage, comme pas mal de mes congénères qui mentent pour préserver leur vie douillette, de lui dire la vérité en face. Ma vie a changé, a pris un nouveau tournant, j'ai démissionné et je suis désormais Vi dans le cabaret où je me produis tous les soirs.

La vie réserve parfois des surprises.

Lostris.