Maridan-Gyres

Jean sonne à la porte. Jeannette reconnaît ce tapotement familier.

Elle ouvre :

• J'ai bagnaudassé ... Je me suis acheté une combin', dit-il avec un pétillement dans l'oeil.
• "Une combin' ?", questionne Jeannette. Elle arrange ses cheveux blancs.  81 ans pour lui, elle 79 ; vingt ans ensemble. Ils s'aiment. Ils ont leurs habitudes. Mais, cette fois, Jean la surprend. En effet, il déplie une tenue de motard en cuir noir, lourde de chaînettes métalliques.

Elle la retourne, la déplie.

Jean la met devant le fait accompli. Il a eu une moto il y a longtemps ; elle est au garage, soigneusement huilée et dépoussiérée tous les ans. Abandonnée presque à son sort. 

• Jean, quelle intention as-tu avec ce costume ?", s'inquiète-t-elle..
• " Le cousin Paul, tu sais, mon cousin qui ne sort plus de chez lui à cinquante ans : il a dévalé une pente en alpinisme et perdu sa jambe. Tous les ans, il nous envoie ses voeux pour la nouvelle année et je ne l'ai plus revu depuis qu'on s'est rencontrés tous les deux. On y va, Jeannette, on y va.!"

Trois cents kilomètres pour le rejoindre dans la Sarthe, dans sa maison de famille où il habite depuis toujours.

• "Ils ont des combin' pour femme dans ton dépôt ?... D'accord, vieux fou,
• d'accord !".

Elle accepte et remet vivement en place sa mèche de cheveux.

• " Bluffantire !"

Ils s'étreignent et se regardent en plissant les yeux.

Maurizia