Maridan-Gyres

« Allez, Marguerite, faites un effort ! Levez donc ce bras plus haut… Sinon, je n’arriverai pas à vous habiller ce matin ! »

Elle fait ce qu’elle peut, Marguerite, ce n’est pas de sa faute si son épaule est bloquée et douloureuse ! Elle a son âge, quand même !

« Quelle idée avez-vous eue, aussi, de vouloir mettre ce chemisier si peu pratique justement aujourd’hui ! Vous savez bien, Marguerite, que je n’ai pas beaucoup de temps, il y a les autres aussi ! »

Marguerite non plus n’a plus beaucoup de temps et les autres, elle s’en fiche ! Et particulièrement aujourd’hui.

Parce qu’aujourd’hui, Marguerite a un rendez-vous.

Et parce qu’elle veut être belle, elle a justement choisi ce chemisier, même si elle doit se déboiter l’épaule pour l’enfiler.

Elle a rendez-vous avec Charles,

Sur le banc le plus éloigné, au fond du parc, à l’abri des regards du personnel du service de gériatrie de l’hôpital

Marguerite et Charles ont choisi de vivre leur amour pleinement, dans ce temps restant qui va filer très vite.

Tous les deux, ils ont accepté l’ignorance de ce que sera demain matin pour l’autre.

Ils vont se donner les baisers et les caresses que la bienséance de leur âge leur interdit.

Dans un halo de douceur, ils laisseront le désir les envoûter, il n’a pas d’âge.

Leur amour ne connaitra pas la jalousie, ni l’amertume, ils n’ont pas le temps.

Alors Marguerite portera son joli chemisier, même si l’aide-soignante n’est pas contente.

Christine