Maridan-Gyres

Au soir de sa vie, Méline se sentait bien fatiguée mais heureuse de ce qu’elle avait accompli. Elle passe en revue les événements qui l’on conduite à faire ce qu’elle a fait, tenter d’aider son prochain du mieux qu’elle a pu.

Et en tout premier, elle se souvient de ce dimanche matin pluvieux où elle avait accompagné ses parents – elle avait 8 ans – dans une brocante. Un petit magasin étroit et sombre ou elle avait déambulé tandis que les adultes marchandaient une maie. L’homme qui les avait accueilli n’avait plus d’âge tant il lui paraissait vieux, bossu, des cheveux blancs hirsutes, des rides profondément marquées, des bésicles rondes. Il lui avait presque fait peur - à peine plus haut qu’elle – mais quand elle l’avait vu s’approcher d’eux après le tintement d’une antique sonnette elle aussi, et qu’il avait posé son regard aux yeux d’un bleu délavé et rieurs sur elle , elle fut instinctivement rassurée.

Dans un petit réduit et tout en bas d’une étagère, après avoir fureté un peu tout partout , elle avait déniché un vieux miroir tout plein de poussière et de toile d’araignée qui l’avait attiré sans qu’elle sache pourquoi. Quelle bénédiction que les grands soient si bavards et le vieux monsieur si disert pour parler de ses trésors.

Elle, qui avait une peur bleue des arachnides, l’avait délicatement pris dans ses mains et longuement regardé, au moment où elle le reposait le vieux Jézabel maître des lieux, puisque tel était son nom qu’elle avait lu sur la porte de la boutique, l’avait longuement fixée avant de lui demander si l’objet lui plaisait. Elle avait répondu oui d’un petit signe de tête et baissé la tête. Délicatement il avait ramassé l’objet et le lui avait mis entre les mains. Il avait fallu convaincre ensuite ses parents, mais la petite avait l’air de tant y tenir qu’ils avaient accepté. Au moment de partir, le vieil homme lui glissât à l’oreille :

« Prends bien soin de lui et tu découvriras son secret ».

Elle était bien sûr intriguée mais n’y avait pas porté plus d’attention.

C’est avec beaucoup de minutie, de patience, qu’elle avait restauré le miroir et un jour où elle s’interrogeait à voix haute devant le miroir.

« Je me demande parfois si je suis jolie et si je saurai quoi faire dans la vie ? Quelle idiote je fais de te parler, tu ne peux pas me répondre ! »

Alors qu’elle allait se détourner du miroir la surface sembla se brouiller et un bruissement, un bruit pratiquement indicible se fit entendre. Quelle ne fut pas sa surprise quand le visage d’une vieille femme apparut et lui dit :

« Tu es une petite fille adorable et surtout tu as un coeur immense. Contentes-toi de l’écouter et ta vie future sera pleine et riche ».

« Qui es-tu ? »

« Réfléchis et regarde moi bien, tu connais déjà la réponse. »

Le visage disparut et la surface du miroir redevint lisse laissant Méline perplexe à se poser la question de savoir si elle rêvait ou était éveillée.

Oui, bien sûr qu’elle savait, c’était elle âgée.

Au fil du temps, elle se confia à « son double » et c’est ainsi qu’elle était devenue infirmière du corps et surtout des Ames. Elle prenait le temps d’écouter ses petits patients, de les rassurer et grâce à ce dialogue qu’elle entretenait par le biais du précieux miroir, elle trouvait toujours la solution pour pousser les enfants dans leurs retranchements et trouver la force de se battre. Ce dernier avait la sagesse de la laisser réfléchir, cogiter et de ne surtout pas , oh non, lui donner une réponse toute faite.

Elle restait libre de faire ses choix. D’ailleurs, il n’existe pas une, mais plusieurs réponses possibles à chaque problème, tout dépend de notre caractère, de nos émotions, de nos blessures internes inhérentes à notre enfance, de notre vécu….

Alors qu’elle allait fermer les yeux, elle avait transmis le précieux objet à son petit fils Argon déjà bien mature pour ses 6 ans et elle ne doutait pas qu’il saurait en faire bon « usage ».

Lostris 24/08/24